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QUESTIONS DHÊLOlSB ET RÉPONSES D’ABÉJARD. 477

de jurer par le ciel, qui est le trône de Dieu, il faut l’entendre ainsi : il ne faut pas choisir, pour jurer, celui que sa dignité souveraine élève au-dessus de toutes les créatures. L’adverbe de négation est placé au commencement de la phrase dans le texte du précepte ; il s’applique donc a tout le dévelop- pement ; il n’est pas placé entre divers membres de phrase, laissant cer- tains termes en dehors de son action. L’adverbe de négation, en effet, a un sens tout différent, selon qu’il est placé au commencement de la phrase qu’il modifie tout entière, ou qu’il est placé avant quelque terme auquel il est seulement applicable. Autre chose est de dire : vous n’avez pas péché pour avoir fait cela ; ou de dire : vous avez péché pour n’avoir pas fait cela. Dans l’une des formes, la négation tombe sur la faute : il n’y a pas eu faute pour avoir fait cela, c’est-à-dire qu’il est clair qu’il n’y a pas eu faute, eu égard à la cause indiquée. Par l’autre forme, on ne dit pas qu’il n’y ait pas eu faute en général, mais qu’il y ait eu faute pour n’avoir pas fait telle chose, en sorte qne c’est sur la cause de la faute, non sur la faute que tombe la négation.

Voici maintenant ce que le Seigneur nous recommande et nous ordonne au sujet du jurement. Tout jurement exposant au danger du parjure, il veut que nous nous gardions, autant qu’il est possible, de prendre à témoignage, dans le sentiment que la chose comporte, soit la dignité de Dieu, c’est- à-dire du Christ, soit celle de toute autre créature qui, par la grâce de Dieu, l’emporte sur les autres. Jurer par quelque chose, c’est accorder à celui auquel on jure que, dans la chose par laquelle on jure, on ne trouve pas d’autre utilité que celle de consacrer la vérité de ce qu’on affirme sous la foi du serment.

Quand l’Apôtre dit que, dans les choses ecclésiastiques, le serment est la fin de toute discussion, Dieu ne nous prescrit pas de ne pas jurer, mais il nous engage à ne pas le faire. En effet, il est des choses qui sont prescrites, il en est qui sont défendues ; il en est qui sont conseillées, il en est qui sont permises. H y a défense ou prescription pour les choses par lesquelles ou avec lesquelles nous devons être sauvés. Ainsi y a-t-il défense pour tout ce qui est mal, prescription pour tout ce qui est bien ; non pour tout ce qui est bien, mais seulement pour ce qui est nécessaire au salut, comme croire en Dieu, se moins chérir soi-même que le prochain, ne point commettre d’a- dultère, etc. Quant aux biens qui ne sont pas tellement indispensables, soit qu’ils appartiennant à la voie étroite, soit qu’ils appartiennent a la voie large, ils échappent, par leur caractère d’élévation ou de bassesse, à la for- mule du précepte ; ils sont recommandés sous forme de conseil, comme la virginité, ou permis sous forme d’indulgence, comme le mariage. En effet, s’il y avait contrainte de prescription pour la virginité, il y aurait condamna- tion pour le mariage, et inversement. 11 y a seulement conseil ou invitation pour les biens qui sont préférables, permission pour ceux qui sont d’un ordre inférieur, c’est-à-dire d’un mérite moindre, parce que c’est non