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LETTRE D’ABÉLARD AUX VIERGES DU PARACLET. 407

damner ses propres juges, les prêtres. Ce passage : « Ses parents, qui étaient des justes, instruisirent leur fille, etc., » saint Jérôme le cite dans son livre sur Daniel, et il en prend texte pour une habile exhortation, « Ce texte, dit-il, doit servir à l’exhortation des parents, pour qu’ils fassent instruire et leurs fils et leurs filles, suivant la loi du Seigneur et la parole divine. »

Et puisque je me préoccupe tant du développement de vos études et de vos vertus, je veux, pour secouer en vous tout sommeil de négligence, vous citer l’exemple de l’opulente reine de Saba, qui, au prix des plus grandes fatigues pour la faiblesse de son sexe, au prix des peines, des périls d’un long voyage et de dépenses énormes, vint des extrémités de la terre consulter la sagesse de Salomon et s’entretenir avec lui des choses qu’elle ignorait ; zèle et ardeur que Salomon approuva si complètement qu’il lui donna, comme récompense, tout ce qu’elle demanda, sans compter ce qu’il lui avait offert de lui-même, suivant la coutume des rois. Bien des hommes puissants affluaient à sa cour pour entendre les leçons de sa sagesse ; bien des rois et des princes de la terre honoraient sa science des plus riches présents ; et tandis qu’il recevait d’eux de riches offrandes, jamais, lisons-nous, il n’en fit lui-même à personne, sauf à la femme que nous venons de dire. Preuve éclatante de son estime pour le zèle et l’ardeur de la sainte femme, ainsi que de sa propre reconnaissance pour Dieu : cette femme que, dans la suite, le Seigneur lui-même, le vrai Salomon, que dis-je ? celui qui est au-dessus de Salomon, ne craignit pas de mettre en avant pour la condamnation des hommes dédaignant le savoir qu’elle possédait : « La reine de l’Orient se lèvera, dit-il, au jour du jugement, et elle condamnera cette génération ! •

Faites, mes très-chères sœurs, que votre négligence ne vous condamne pas avec cette génération. Vous seriez d’autant moins excusables que vous n’avez pas à vous imposer les fatigues d’une longue route ni de grandes dépenses Vous trouverez dans votre mère une direction qui peut suffire à tout, aussi bien pour l’exemple des vertus que pour la lecture des lettres. Elle est experte à la fois et dans la langue latine, et dans la langue hébraïque, et dans la langue grecque. Seule de ce temps, elle possède la connaissance de ces trois langues qui est vantée entre toutes choses par saint Jérôme, comme une grâce singulière, et qu’il recommande particulièrement, ainsi qu’on l’a vu, à des femmes vénérables. C’est en ces trois langues, en effet, que les deux Testaments nous sont parvenus. C’est en ces trois langues, latine, grecque, hébraïque, qu’est écrite l’inscription de la croix : ce qui signifie que c’est à elles qu’appartient le privilège de faire connaître et de fortifier dans les âmes la doctrine du Seigneur, l’amour du Christ, le respect du mystère de la Trinité représentée en trois personnes, de même que le bois de la croix, sur laquelle est l’inscription, est partagé en trois morceaux. Il est écrit, en effet : « Toute parole reposera sur deux ou trois témoignages. » Et c’est pour