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— Avoir confiance en moi, et profiter de ce que personne ne remplace encore votre gardienne pour me suivre. En un quart d’heure, nous pouvons atteindre la ville. Là, nous nous mettrons sous la protection de la police, et demain vous pourrez être à Paris, près de Mr Simpson.

— Revoir Harry… murmura Miss Strawford, dont le visage s’empourpra légèrement. Mais qui m’assure, reprit-elle d’une voix changée en regardant Maud avec méfiance, qui m’assure que vous me dites la vérité ? Qui me dit que vous ne me tendez pas un piège ?

— Elle ne me croit pas… proféra Maud avec angoisse. Oh ! mon Dieu, elle ne me croit pas…

Soudain, son regard tomba sur le crucifix suspendu au-dessus du lit de la prisonnière. Elle fit deux pas, et d’un geste presque solennel elle étendit la main vers l’emblème de la Rédemption. Et avec un accent impressionnant :

— Sur ce crucifix, dit-elle, sur les cendres de ma mère, sur ce qu’il y a de plus sacré au monde, je jure que je dis la vérité, que votre fiancé est libre, que vous êtes menacée de mort, et que si vous voulez être sauvée il faut me suivre à l’instant…

Mary regardait la jeune femme d’un air irrésolu, avec une sorte d’angoisse. Elle finit par s’approcher de Maud, et, mettant ses deux mains sur les épaules de son sosie, elle dévisagea celle-ci en silence.

Maud soutint son regard sans baisser les yeux.

Un instant, les deux charmants visages, si semblables, mais dont l’expression était bien différente, restèrent ainsi l’un près de l’autre, face à face.

Puis, Maud murmura :

— J’étais pauvre, Miss. J’aimais le plaisir, j’enviais la richesse. Alors, on m’a promis la moitié de votre fortune. Mais je me repens. Oh ! je me repens… Laissez-moi essayer de vous sauver, afin que vous puissiez me pardonner…

— C’est bien ! finit par dire Miss Strawford. Je vous crois et renonce pour l’instant à vous demander d’autres explications. Mais si vous me trompez, si vous êtes mon ennemie, souvenez-vous qu’il y a un Dieu qui punit les méchants et les traîtres.

— Je ne vous trompe pas et je vous sauverai, Miss … s’écria Maud. Je vous sauverai, dussé-je risquer ma vie…

— Encore une question, dit Mary. À deux ou trois reprises, il m’a semblé aujourd’hui entendre une voix connue. Miss Ligget ne serait-elle pas ici ?

— Si…

— Et pour elle aussi vous êtes la véritable Miss Strawford ?

Maud secoua lentement la tête :

— Je vais certainement vous faire de la peine, Miss. Mais il est nécessaire que vous connaissiez la vérité : Edith Ligget est du complot…

Mary eut un cri :

— Edith ? Edith me trahirait ?

— Depuis des mois, Miss. Et cette machination n’a pu être ourdie que grâce à sa participation. Elle est votre ennemie mortelle, et je l’ai entendue regretter devant moi qu’avant de mourir vous n’eussiez pas assez souffert.