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voyait à sa droite, celle qui donnait accès à la chambre de Miss Strawford, et sous laquelle apparaissait une raie lumineuse.

Quelques secondes plus tard, elle ouvrait cette porte et se trouvait en présence de la prisonnière.


En voyant s’ouvrir silencieusement la porte de sa chambre, Miss Strawford, qui était en train de lire dans son fauteuil, se dressa instinctivement en poussant un léger cri.

— Chut ! fit doucement Maud, un doigt sur ses lèvres.

Alors, Mary la regarda, et une expression de surprise intense se peignit sur son visage. Elle tourna la tête et se regarda dans une petite glace suspendue au mur.

— Comme vous me ressemblez !… dit-elle. Qui êtes-vous ?

— Chut ! répéta Maud.

Elle referma doucement la porte et s’avança.

— Écoutez-moi, Miss… prononça-t-elle à demi-voix. Les minutes, les secondes même sont précieuses. D’un instant à l’autre, on peut monter ici, ou dans ma chambre, et tout serait perdu.

— Mais qui êtes-vous ? répéta Mary.

— Je ne sais pas si j’ai le droit le me dire votre amie, répondit Maud humblement, Dans tous les cas, je suis venue pour vous sauver, et il faut me croire, Miss. Il faut me croire sur parole, sans discuter, sans demander d’explications, car notre vie à toutes deux se joue sur des secondes en ce moment…

Miss Strawford la considérait toujours avec la même expression de surprise.

— Ecoutez-moi, Miss, reprit Maud. On vous trompe. D’une part, votre fiancé n’a jamais été prisonnier. Il est libre et se trouve présentement à Paris. D’autre part, ce n’est pas seulement à votre fortune qu’on en veut, mais aussi à votre vie. Dès à présent, vous êtes condamnée, et si vous restez ici un jour de plus, c’en est fait de vous.

Pendant que Maud parlait, Miss Strawford la regardait fixement.

— Mon fiancé libre…, dit-elle sur un ton de vague incrédulité, et moi condamnée ?…

— Il faut me croire, Miss… s’écria Maud. Encore une fois, le temps me manque pour vous expliquer, mais il faut me croire. Je suis celle qui depuis des semaines, tient votre place aux yeux de tous.

Mary tressaillit.

— Aux yeux de tous ? répéta-t-elle vivement. Même aux yeux de Harry ?

— Même aux yeux de Mr Simpson, oui, Miss.

— Oh !… fit Mary.

— C’est ce qui doit vous convaincre que je dis la vérité en affirmant que votre vie est menacée. Il existe, en ce moment, sur le globe, deux Miss Strawford. Comprenez que l’une d’elles doit fatalement disparaître et que celle-là ne peut être moi.

Miss Strawford parut frappée et pâlit un peu. Son front se pencha, et un instant elle sembla réfléchir. Puis, relevant la tête :

— Et, selon vous, que faudrait-il faire pour échapper au danger qui ma menace ?