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— Courage, chérie je suis avec toi…

Puis, ce fut de nouveau l’image de Raibaud, dont il sembla à la jeune femme entendre la voix grave :

— C’est bien, Maud, ce que vous avez fait là…

Alors, après un dernier signe de croix, elle se releva, plus forte, et définitivement résolue à l’action.


Miss Ligget se présenta presque aussitôt après :

— Vous ne m’en voulez pas, chère, de vous avoir laissée seule si longtemps ? J’étais avec Fredo, qui me faisait les honneurs de son laboratoire et de sa collection de microbes. Un type épatant, décidément, ce Fredo, vous savez ? Un vrai savant, sous les apparences d’un dilettante désabusé. Mais, dites-moi, désirez-vous dîner tout de suite ?

— Je n’ai pas faim, répondit Maud ; et me sentant un peu souffrante, je m’apprêtais même à me jeter sur mon lit.

— Eh bien ! reposez-vous… fit Edith avec vivacité. Pour ne pas vous abandonner tout à fait, j’avais décliné l’offre de Fredo, qui insistait aimablement pour que je dîne en bas avec lui. Je puis donc accepter, et vous laisser seule sans remords ?

— Vous le pouvez.

— Naturellement, je remonterai tout à l’heure voir si vous avez besoin de quelque chose avant le départ. Vous ne désirez rien tout de suite ?

— Absolument rien que me reposer. Je n’ai décidément pas assez dormi la nuit dernière, il me semble qu’une heure ou deux de sommeil me feraient du bien…

— Alors je vous laisse, chère. À tout à l’heure…

Miss Ligget sortit de la chambre et redescendit.

Maud attendit encore un instant.

Puis, pâle mais résolue, laissant la lampe allumée, elle ouvrit sa porte avec précaution, la referma de même, et s’engagea silencieusement dans le couloir.


Elle s’était munie d’une boîte d’allumettes trouvée dans sa chambre.

Elle dut se servir d’une de ces allumettes pour guider sa marche dans le couloir, à l’extrémité duquel elle arriva bientôt, avec la sourde crainte de ne plus trouver sur la porte de la chambre que l’on sait la clé qu’elle avait entendu Fredo ordonner à Julie de laisser.

Elle poussa un involontaire soupir de soulagement en constatant que cette clé se trouvait toujours sur la serrure, et, avant d’aller plus loin, s’immobilisa, tendant l’oreille vers le rez-de-chaussée.

À travers les gémissements du vent, elle ne perçut, venant du bas, qu’un vague murmure de voix, puis des rires d’homme : sans doute le valet de chambre de Fredo et le chauffeur de la limousine qui devaient se trouver ensemble probablement dans la cuisine.

Alors, lentement, Maud tourna la clé dans la serrure, ouvrit la porte, entra dans le noir, referma la porte, et seulement enflamma de nouveau une allumette. Elle se vit dans une pièce dont elle ne prit pas le temps d’examiner l’ameublement. Tout de suite, marchant sur la pointe des pieds, avec d’infinies précautions, elle se dirigea vers une porte qu’elle