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— Enfin la grande route… On va pouvoir refaire un peu de vitesse.

— Et nous sommes encore loin ? interrogea Edith.

— Une trentaine de kilomètres.

Deux villages et plusieurs passages à niveau furent encore traversés, puis un autre village et un autre passage à niveau.

— Nous approchons… dit alors Fredo.

Il avait à côté de lui un sac de voyage qu’il ouvris et dont il tira d’abord deux épaisses voilettes. Il en tendit une à chacune des deux jeunes femmes en disant :

— Je vous prierai, Mesdames, de bien vouloir voiler de cet écran vos traits charmants. Il importe, en effet, que là où nous nous rendons, nul ne se doute de l’extraordinaire ressemblance qui existe entre Mrs Clawbony et son sosie. Du reste, pour plus de précaution, reprit-il en s’adressant à Maud, durant votre séjour chez moi vous serez censée être souffrante, et obligée de garder la chambre, où Miss Ligget vous montera vos repas. Vous comprenez ?

La jeune femme baissa affirmativement la tête. Décidément, on n’avait pas confiance en elle, et elle allait être à peu près séquestrée, durant tout le temps qu’elle passerait près de la prisonnière.

Cependant, Fredo poursuivait :

— Vous voudrez bien, d’ailleurs, excuser ce que mon hospitalité aura de rudimentaire, car je n’ai à vous offrir pour vous deux qu’une chambre et qu’un lit. La chambre est quelconque, mais le lit assez confortable, et, d’ailleurs, une nuit est bientôt passée. Sur ce, Mesdames, veuillez me permettre de changer de figure…

Tout en parlant, il prenait dans son sac de voyage une fausse barbe blonde, qu’en un clin d’œil il ajusta sur son visage. Puis il rejeta ses cheveux en arrière, mit devant ses yeux un pince-nez de cristal, et à la personnalité de Fredo se trouva substituée celle de Henri Govaërts, le nouvel habitant de Mouzonville.


CHAPITRE XVII


Maud n’avait réussi à s’endormir que sur le matin.

Lorsqu’elle s’éveilla, un jour gris filtrait à travers les doubles rideaux tirés.

Elle jeta d’abord autour d’elle un coup d’œil machinal.

La chambre, assez grande, était simplement meublée de noyer verni. Dans le demi-jour qui régnait, la tapisserie à fond rose semblait plutôt fanée, et douteuse la blancheur du plafond. Dans le foyer d’une petite cheminée d’angle, une bûche achevait de se consumer. Pas un bruit ne s’entendait dans la maison.

Personne dans la chambre, et la jeune femme se retrouvait seule dans le lit qu’Edith avait partagé avec elle. Miss Ligget était descendue et se trouvait probablement en bas avec Fredo.

Alors, Maud s’assit sur son lit et se mit à réfléchir.

Elle s’était rendu compte que la propriété où Fredo les avait reçues se