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— Et notre absence serait longue ?

— Je ne pense pas que vous puissiez être de retour ici avant après-demain matin.

— Mais que penserait Simpson, qui n’est pas prévenu ?

— Il sera averti par téléphone. Du reste, vous n’avez plus à vous gêner avec votre pseudo-fiancé, et vous pourrez même profiter de cette occasion pour provoquer une rupture qui s’impose. Alors ? Vous vous décidez ?

— Je me décide, puisque vous le jugez utile, répondit Maud.


CHAPITRE XVI


L’auto venait de sortir de Paris et roulait maintenant sur la route dans la nuit froide et calme éclairée par la clarté lunaire.

Il s’agissait de la propre auto de Sturner, une confortable et puissante limousine.

— Une véritable « buveuse d’air » ! comme diraient les Arabes, expliqua Fredo, assis à l’intérieur du luxueux véhicule en face des deux jeunes femmes. Elle est capable de soutenir, en effet, en cas de besoin, le 100 à l’heure. Mais un pareille vitesse est en somme dangereuse, et généralement Sturner se contente du 60 de moyenne, ce qui est déjà raisonnable. Avec cela un chauffeur épatant, à la fois audacieux et prudent, et précieux surtout lorsqu’il s’agit de voyager la nuit : il est en effet nyctalope. Ceci dit pour vous enlever toute appréhension, Mesdames, au cas où vous en éprouveriez.

— Combien y a-t-il d’ici à…

Miss Ligget s’interrompit soudain en regardant Maud, puis reprit :

— À l’endroit où vous nous conduisez ?

— Dans les trois cents kilomètres… répondit Fredo. De jour, ce serait l’affaire de cinq heures. Mais je ne crois pas que nous puissions être là-bas avant 2 heures du matin, ajouta-t-il après avoir consulté sa montre.

Edith Ligget étouffa un bâillement.

— Cela va être folâtre. J’en ai sommeil d’avance.

— Et qui vous empêche de dormir, belle demoiselle ?

— Sturner nous a fait manger trop vite, et mon dîner ne descend pas, avoua prosaïquement la belle Américaine.

— Désirez-vous quelques gouttes d’alcool ? Vous savez que j’ai cela sous la main, ainsi qu’une collation assez substantielle, dans le cas où nous éprouverions le besoin de manger en route ?

— Pour l’instant, je n’ai besoin de rien.

— Une cigarette ?

— Merci. Ce n’est pas le moment.

— Mais je puis tout de même fumer ?

— Tant que vous voudrez. Quel est notre itinéraire ? s’informa encore Edith.

— Coulommiers, Arcis-sur-Aube… commença Fredo.

Puis, comme tout à l’heure Miss Ligget, il s’interrompit en regardant Maud assise à côté de son amie, et acheva :

— Après, je ne sais plus..