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Sur une question de l’ingénieur, elle affirma encore que c’était bien Miss Strawford elle-même qui avait écrit de sa main les instructions relatives au transfert de la moitié de sa fortune à Paris.

Pour pouvoir la manœuvrer plus facilement, on lui avait communiqué une fausse lettre de Simpson, dans laquelle celui-ci se disait de nouveau prisonnier, et avertissait sa fiancée que sa vie à lui dépendait de sa docilité à elle. De plus, on se servait encore à l’occasion de la drogue utilisée à Pittsburg par Miss Ligget, et qui annihilait dans une certaine mesure la volonté.

Bref, entre les mains de ses ravisseurs, Miss Strawford était devenue la plus docile des victimes. Du reste, très bien traitée. Elle ne manquait de rien, et l’on avait pour elle, avait-on affirmé à Maud, non seulement tous les soins, mais tous les égards désirables.

La jeune femme ignorait, d’ailleurs, l’endroit où la véritable Mary était retenue prisonnière.


Le taxi stoppait : l’octroi.

Avez-vous encore quelque chose à me demander ? interrogea alors Maud. Car il va falloir nous séparer.

— Avant tout, il faudrait connaître le nom de la localité où se trouve Miss Strawford, car nous ne pouvons absolument rien tenter avant d’être renseignés à ce sujet.

— J’essayerai… murmura Maud avec effort, et d’un ton où l’on sentait une certaine appréhension.

Alors, Aramond lui dit avec autorité :

— Maintenant que vous vous êtes confiée à moi, il faut aller jusqu’au bout, et nous aider dans la mesure du possible à sauver Miss Strawford. Agissez, naturellement, avec toute la prudence désirable, mais ne soyez pas paralysée par la crainte. Et dès que vous vous sentirez en danger, venez rue Portalis, où vous trouverez un asile, et où vous serez sous notre protection. Nous vivants, nul ne touchera à un cheveu de votre tête, je vous l’affirme.

— Vous comptez donc mettre vos amis au courant ? demanda-t-elle.

— Il le faudra bien. Je crains, en effet, que mes brûlures ne me rendent indisponible pendant quelques jours, et puis, de toutes façons, si je veux agir utilement, je ne puis agir seul. Vous pouvez, d’ailleurs, être certaine le la discrétion de mes amis comme de la mienne.

— Ce n’est pas cela… murmura-t-elle. Mais que vont-ils penser de moi ? M. Raibaud surtout… ajouta-t-elle en rougissant, trahissant ainsi sa préoccupation intime.


CHAPITRE XIV


Car en affirmant à Raibaud, dans les circonstances que l’on sait, qu’avant de l’avoir rencontré elle n’avait jamais aimé, Maud était sincère. Le sentiment qu’elle avait éprouvé pour Sturner n’était en rien comparable à celui qui l’avait entraînée vers Raibaud dès qu’elle avait vu celui-ci.

Lorsqu’elle était arrivée à Paris, en proie à toutes les appréhensions pouvaient inspirer à une nature comme la sienne les débuts d’une auda-