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— C’était déjà mon intention, Mary.

— Et lorsque vous retournerez à la police, promettez une prime de deux cents dollars à qui apportera les premiers renseignements susceptible de faire retrouver les traces de ma pauvre Louise, à laquelle il est décidément à craindre qu’il soit arrivé malheur…

Le visage de la jeune fille exprimait une émotion qui paraissait sincère, mais pourquoi Aramond avait-il l’impression d’une comédie ? Les paroles de Miss Strawford avaient quelque chose de contraint, comme d’artificiel et sonnaient faux aux oreilles de l’ingénieur. Décidément, non seulement Miss Strawford semblait être sous la dépendance plus ou moins absolue d’Edith Ligget, mais de plus, entre les deux jeunes filles, il existait quelque intrigue secrète, un mystère dont la disparition de Louise constituait peut-être la clé.

Et, cette fois, il s’agissait chez l’ingénieur d’une impression définitive. La conviction venait de s’ancrer en lui qu’il y avait réellement quelque chose. Quoi ? Il ne s’en doutait même pas. Mais il y avait quelque chose, et dans ce quelque chose Edith Ligget devait jouer le premier rôle, à moins que l’Américaine ne fût elle-même sous la dépendance de quelqu’un aux ordres duquel elle ne ferait qu’obéir.

Alors, invinciblement, Aramond évoqua le souvenir de leurs aventures passées ; et derrière la personnalité décidément inquiétante de la belle Américaine, il lui sembla entrevoir la silhouette hautaine et la figure dominatrice de Silas Sturner.


CHAPITRE VI


Plusieurs jours s’écoulèrent encore sans qu’il fût possible de savoir ce qu’était devenue Louise.

Alors, en attendant que celle-ci fût retrouvée, et ne pouvant, affirmait-elle, s’habituer aux services des femmes de chambre de l’hôtel, Miss Strawford se décida à engager une nouvelle suivante, une jeune Anglaise parlant assez correctement le français, et que lui procura un bureau de placement auquel s’était adressée Edith Ligget. Cette Anglaise s’appelait Flory et était assez jolie. Mais Aramond n’aimait pas ses lèvres minces, ni le regard glacial de ses yeux d’un bleu faïence.

Et puis, une idée était venue à l’ingénieur, qu’avait d’abord un peu surpris la détermination de Miss Strawford de donner une remplaçante à la fidèle Louise, sans même attendre d’être définitivement fixée sur le sort de celle-ci ; et Aramond avait fini par se demander si la disparition de ladite Louise n’avait pas eu d’autre but que d’écarter une personnalité jugée gênante, pour la remplacer par quelqu’un sur lequel on pourrait compter.

Or, il y avait juste quatre jours que Flory avait pris son service près de Miss Strawford lorsqu’on apprit par Simpson, entré en passant rue Portalis, la réapparition de Louise.


Celle-ci racontait une histoire extraordinaire.

Alors qu’au Havre elle allait arriver à la gare maritime, à suite de