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ni os, comme vous en trouvez en mon corps. » Par cette parole Jésus avoue être composé de chair et d’os et de matière animale et se justifie par là même de la prétention à la divinité. Il va sans dire, que si nous citons ce passage, nous n’admettons pas que Jésus a été tué, enseveli et qu’il est ressuscité du tombeau, ce qui n’est qu’une invention des premiers chrétiens, dont nous avons à présent suffisamment infirmé la prétention que Jésus est Dieu ou fils de Dieu.

De tout ce que nous venons de dire, il résulte que si quelqu’un dit que le Christ était un serviteur[1] de Dieu, qui s’est développé d’enfant en adulte et qui, ayant atteint l’âge de la virilité, a été envoyé par Dieu comme prophète, — si quelqu’un croit ainsi, dis-je, il est d’accord avec les déclarations du Christ et des disciples. Dire le contraire, c’est se mettre en contradiction avec la vérité et admettre cette monstrueuse, généralement admise par les chrétiens, que le Christ est le créateur éternel, tout en étant chair et sang. Mais dans ce cas, il faut être conséquent et admettre également que le Christ est en partie adorable, éternel, créateur, et en partie engendré et créé, vu qu’il déclare, d’après les textes de vos évangiles, être chair et sang.

Or, comme la chair et le sang sont des résultats de la nourriture et des boissons qui sont des fractions de ce monde, il en découle que le créateur de ce monde n’en est qu’une des fractions. Mais alors cette fraction est son propre créateur, et une fraction du monde aurait créé le monde. Tout cela est absurde et entre bien difficilement dans une raison humaine ! Mais ce n’est pas tout. Il faut encore admettre que le créateur du monde entier en est en même temps une partie, que certaines choses sont venues à l’existence après le tout. Mais ce qui n’a pas d’existence, n’est pas concevable et n’est rien ; donc, d’après eux, le créateur n’existe pas. Quant à moi, je pense que l’inventeur de cette doctrine faisait partie de ces gens qui nient les attributs fondamentaux de Dieu, et cette première erreur a produit toutes les autres.

Mais continuons. Le premier évangile dit que le Christ se taillait les ongles et se coupait les cheveux[2] ; — or, d’après eux, il est le créateur éternel ; — une partie des ongles et des cheveux se désa-

  1. Le mot marboûb, dont se sert notre auteur, correspond à notre serviteur de Dieu, en parlant d’un homme pieux.
  2. Var. ajoute : et se développait corporellement en long et en large.