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morceau, en leur disant : Mangez, ceci est mon corps ; puis il leur donna une coupe de vin, en leur disant : Buvez, ceci est mon sang. » Voilà ce que dit Matthieu dans son évangile ; mais Jean, qui a accompagné Jésus jusqu’à la fin[1], ne dit mot dans son évangile de cette histoire de pain et de vin. Cette divergence démontre clairement l’erreur de Matthieu et de sa narration.

Les chrétiens croient, en outre, que chaque fraction du pain azyme est Jésus avec tout son corps en longueur, en largeur et en épaisseur ; y en eût-il cent mille morceaux ou davantage, chaque morceau n’en tient pas moins Jésus tout entier.

Mais, leur dirons-nous, admettons que le corps de Jésus eût dix empans de longueur, deux de largeur et un empan d’épaisseur, tandis que le pain azyme que bénit le prêtre peut avoir trois empans de longueur. Comment un corps de dix empans de longueur, deux de largeur et un empan d’épaisseur peut-il être contenu dans une chose de trois empans[2] de longueur ? C’est l’absurde !

À cette objection les chrétiens répliquent ; dans un miroir de la surface d’un dînâr on peut voir les plus hautes constructions et les plus grands châteaux placés en face et qui sont de plus de mille fois plus grands que le miroir. Mais, leur dirons-nous, ce que l’on voit dans le miroir est un accident et non pas une substance[3], tandis que vous croyez que la substance de Jésus aussi bien que son accident (ou sa forme) sont dans le pain azyme, ce qui est opposé à la raison. De plus, vous êtes d’accord que Jésus est monté au Ciel et s’y est assis à la droite de Dieu : qui donc fait descendre pour vous son corps vers ce pain azyme ? Et encore Jésus est un homme unique, tandis que vous croyez que chaque fraction de pain renferme tout le corps de Jésus, et si l’on partageait le pain en cent mille fractions, vous admettriez qu’il y a dans ce seul pain cent mille Jésus. Multipliez maintenant ce nombre avec celui de tous les pains azymes distribués dans vos diverses églises et vous obtiendrez un nombre de Jésus quasi incalculable. Vraiment celui qui expose pareille doctrine et la croit, il faut que Dieu lui ait ôté l’esprit.

Description de l’Eucharistie. — Le prêtre ordonne à son servant de

  1. Var. : Jusqu’à ce qu’il fût élevé.
  2. Var. : D’un empan.
  3. Les philosophes arabes opposent Al‘Arad, l’accident, à Al-Djauhar, la substance ou l’essence.