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J’accompagnai aussi le sultan au siège de Gâbes[1], en qualité de trésorier, de même qu’au siège de Gafsa[2]. À ce dernier siège, le sultan fut atteint d’une maladie qui le mena au tombeau le 3 scha‘ bân 796[3].

Son fils, le prince des croyants et le défenseur de la religion, Aboû Fâris ‘Abd Al-Azîz[4], lui succéda sur le trône du khalifat. Il renouvela à mon égard tous les bénéfices que son père m’avait accordés et m’investit en outre de l’intendance de son palais.

Or, sous son règne, alors que j’étais chef de la douane et interprète, il arriva qu’un navire musulman, chargé de marchandises, aborda. Au moment où il jetait l’ancre, deux vaisseaux siciliens

  1. L’ancien Tapaca, à 667 kilomètres de Tunis, actuellement une petite ville, mais autrefois, à en juger d’après la description de El Bekri (p. 17), ville très belle, très importante. À la conquête de Gâbes, par Abou’l ‘Abbâs Ahmad, se rattache l’anecdote suivante : Le poète Bedr ed-Dîn ibn ed-Demâmînî, ayant composé une kasîda sur la prise de Gâbes, l’envoya d’Alexandrie, où il demeurait, à Tunis. Abou’l ‘Abbâs lui fit parvenir en récompense autant de dînârs que son poème contenait de vers. Le poète ayant refusé ce présent avec dédain, le messager eut l’heureuse idée de lui dire que le sultan lui accordait pareille somme chaque année. Remarque, ajoute ibn Aboû Dînâr, p. 142 du texte arabe, comme le marché des belles lettres est froid (sans débit) de nos jours, et comme il était bien achalandé (de bon débit) au temps des Abbassides quand on donna jusqu’à 1000 dirhems pour un seul vers. Il en fut ainsi pour Merwân ibn Aboû Hafsa, qui a reçu pareille somme au temps de Haroûn Ar-Raschîd. De nos jours, si quelqu’un s’amuse à faire de beaux vers, on lui donne en récompense un pot de terre. Note du traducteur. Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends qu’un poète tunisien, ayant composé, en honneur du bey, un très beau poème, à l’occasion du Korbân Bairâm, vient de recevoir de S. A. Si Ali Bey, un présent de 800 piastres (500 francs).
  2. Ou plutôt Kafsa, l’ancien Capsa des Romains (voy. Salluste Jugurtha, LXXXIX), à 211 kilom. de Kairouân, dans une oasis d’environ 10 kilom. de circonférence, chaque jour davantage envahi par les sables. Très importante sous la domination romaine, comme l’attestent d’immenses ruines, considérable encore au temps d’Aboulfeda, qui l’appelle une capitale célèbre, Gafsa n’est plus qu’une petite ville. Les événements dont il est question ici sont racontés par tous les auteurs indigènes que nous avons consultés, mais tous ne les racontent pas dans le même ordre.
  3. Fin de juin 1394. On l’enterra dans la Kasba de Tunis (Al Mas‘oudi, p. 78).
  4. Aboû Fâris Azoûz (Masoudi) Mouley Bouféri, chez les auteurs occidentaux. Il monta sur le trône le lendemain de la mort de son père, et régna plus de 40 ans. Mort au commencement de 837 (fin de 1433), il fut enterré près de la maison de Sidi Maharez (un des plus grands saints de la Tunisie). Masoudi l’appelle la perle de la dynastie des Hafsides. Le règne de ce sultan est des plus remarquables et donne lieu à bien des observations (religion, légendes, mœurs).