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Aubry ne put s’empêcher de sourire.

Le nain mit sa tête rouge dans une haie, qui garda bien quelques cheveux crépus, et passa de l’autre côté.

— Le manoir du Roz est là, au bout de cette avenue, mon homme, disait, cependant, Jeannin au voyageur. Je vous prie, qu’y venez-vous chercher ?

— J’y viens chercher un homme d’armes nommé Jeannin, natif du bourg des Quatre-Salines, en grève.

— De quelle part ?

— De la part d’un bon religieux qui est son compère, et qui m’a remis son chapelet, afin que j’aie créance auprès dudit Jeannin.

L’homme d’armes examina le rosaire de Bruno la Bavette et le reconnut. Il prit le cheval du voyageur par la bride :

— Venez donc, dit-il, mon compagnon. Je vais vous conduire au manoir et vous donner la collation de mon mieux, car je suis ce Jeannin que vous venez quérir.

Maître Pierre Gillot, de Tours en Touraine, valet d’Olivier le Dain, barbier du roi Louis onzième, fit un salut honnête et tout plein de décente réserve. Après quoi, il se prit à considérer Jearnin.

Aubry avait profité de l’occasion pour s’enfoncer dans la forêt. Mais les hêtres pouvaient végéter tranquilles. Le nom de la belle Berthe de Maurever ne menaçait point leur écorce.

Pierre Gillot, cependant, poursuivait son examen sans mot dire.

— Voilà donc, pensait-il, ce qu’on fait des braves gens au pays de Bretagne ! Cet homme-là est connu du duc François, connu de M. Tanneguy, connu de tous les grands vassaux de Bretagne ! On le laisse, parce qu’il n’est point gentilhomme, tenir le manchon d’une douairière de moyenne noblesse, et apprendre le métier de casseur de bras à quelque héritier de hobereau, niais comme une toute nichée de buses ! Ah ! Pâques-Dieu ! Pâques-Dieu ! le monde est fou et le jour viendra où la roture en colère inventera quelque bon engin pour remplacer