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— Quoi pas même au revoir fit le jeune homme douloureusement.

— Non, pas au revoir, répéta Jeannine, ma grand’mère Fanchon Le Priol habite la ville de Dol ; je vais demander, dès ce soir à Mme Reine, la permission de quitter sa maison pour aller demeurer avec ma grand’mère. Je prierai Dieu pour vous, messire Aubry… et pour Berthe, votre cousine, afin qu’elle vous aime et que vous soyez bien heureux, tous les deux.

Il y avait de grosses larmes sur les joues de la pauvre Jeannine. Aubry la pria et la supplia de changer de résolution, mais tout fut inutile. À bout d’arguments, il se mit à genoux sur la mousse. À cet instant, le sillet fantastique jeta un appel aigu et entonna l’air de l’écuyer Renan de Pierrefonds, qui tua sa fille Yolande et le gentil Olivier, dans la forêt d’Alençon.


«Renan ceignit sa longue épée
Et mit son chapel à l’envers,
Criant à tort et à travers
Vites-vous ma fille échappée ? »


Jeannine comprit et s’esquiva, légère comme une biche. Au bout de quelques secondes, elle avait disparu derrière les pousses drues des chênes et des châtaigniers. Aubry fit machinalement quelque pas pour s’éloigner lui aussi, et se trouva face à face avec le bon Jeannin.

Celui-ci n’avait point mis du tout sa toque à l’envers et n’avait garde de chercher sa fille échappée.

— Holà dit-il gaiement, voilà messire Aubry qui prend goût aux promenades solitaires ! Vertudieu  ! nous verrons gravé bientôt sur l’écorce des hêtres le doux nom de Berthe de Maurever !

Aubry demeurait devant lui tout décontenancé.

— Est-il défendu, balbutia-t-il, de chercher l’ombre quand il fait grand soleil ?

— Non pas, non pas, messire Vous allez, vous errez, vous rêvez tout cela est bien fait et finira, s’il plait à Dieu, comme