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dedans. La quintaine vira, et la gaule sonna sur l’acier de son casque.

Aubry chancela, tout étourdi, tant le coup était bien appliqué.

— Es-tu blessé ? cria madame Reine qui trembla.

La brunette reprit sa broderie en haussant les épaules. Aubry la vit et ce fut un grand crève-cœur, car il devint tout pâle.

— Non, non, ma mère, répondit-il, je ne suis pas blessé. Ce n’est pas le coup de bâton de l’Anglais qui m’a fait le plus de mal !

— Qu’est-ce donc, enfant ? dit madame Reine.

Aubry ne répondit pas cette fois. Son regard rencontra l’œil noir de Jeannine qui se levait sur lui furtif et repentant.

— Allons ! messire ! s’écria l’homme d’armes ; prenez du champ et fournissez une autre course !

Aubry était piqué vivement. Il lui fallait sa revanche. Certes, son grand désir de toucher juste lui venait en partie de la présence de sa mère. Mais une bonne moitié de ce désir, soyons franc, les trois quarts et peut-être un peu plus, se rapportaient à la gentille brodeuse.

Une moqueuse pourtant, qui avait haussé les épaules sans pitié !

Une sournoise, qui se cachait, pour rire, derrière l’épais rideau de laine drapé au coin de la croisée !

Oh que messire Aubry la détestait !

— Jeannin, mon ami, dit madame Reine à sa fenêtre, songez, je vous prie, que mon fils relève des fièvres, et ne le fatiguez pas.

— Je suis à vos ordres, noble dame, répliqua l’homme d’armes en saluant ; quand vous me direz : Assez ! nous finirons.

— Eh ! Jeannin, mon ami s’écria la châtelaine avec un mouvement d’impatience, nous savons bien que vous ne donnez point ces leçons à messire Aubry pour votre plaisir !

Jeannin la regarda étonné.