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le connétable de France, comte de Saint-Paul ; Sancerre, Beaumont Châtillon, Estouteville, Lohéac et Chabannes ; le sire de Bourbon, amiral de France ; Dammartin, Comminges, Crussol, Bouillon, la Trémoille, et d’autres.

La seconde cavalcade était formée, disait-on, des hommes d’armes des îles Chaussey. C’était elle qui portait cette bannière écarlate pailletée d’argent, dont la seule vue avait effrayé les pratiques du bonhomme Rémy, la bannière du comte Otto Béringhem.

La troisème le disputait assurément à la première, car les chevaliers de Bretagne valaient bien les chevaliers de France.

Noble et fière contrée qui n’a plus de nom que dans l’histoire ! Terre royale et ducale qui fut conquise par les tabellions de cour et les recors d’antichambre, parce que la lance s’était brisée, parce que l’épée s’était tordue en touchant sa cuirasse de fer ! Pays des saints, des poètes, des soldats ! Patrie du dévouement héroïque et de la sacrée fidélité ! Ils étaient là, autour de l’écusson d’hermine, Clisson, Rohan, Dreux, Coulaine, Plœuc, Coëtlogon, Châteaubriant, Tanneguy du Chastel, Rteux, Porhoët et Dunois, vieillard qui avait trouvé un asile à la cour de François II. Ils étaient là, Montauban, Coëtivy, Guébriant, Saint-Luc, Penthièvre et Beaumanoir ; Avaugour et Vertus, les fils des ducs ; Blois et Laval, les cousins du roi ; Montbourcher, Malestroit, Matignon, Léon, Rochefort.

Les deux troupes n’étaient guère séparées que par le canal large et plat qui pourrait contenir un grand fleuve, mais où le Couesnon a grand’peine à couvrir les cailloux de son lit. Elles semblaient s’observeret se défier.

Jeannin, toujours seul, appuyé contre le parapet du pont, les suivait de l’œil, enfoncé qu’il restait dans sa méditation laborieuse. Il regardait tantôt les chevaliers des fleurs de lis, tantôt les chevaliers de l’hermine, et une pensée voulait se faire jour dans son esprit.

Comme elle allait naître, enfin, cette pensée, une rude main s’appesantit sur son épauie, et la voix du frère Bruno, qui n’avait pas parlé depuis une grande minute, s’éleva toute joyeuse.