Page:A la plus belle.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lemment le cœur ! Voilà l’attrait ; c’esL là ce qu’on adore, non pas seulement sur les bords du Couesnon, mais partout.

Or, jamais cohue si plantureuse ne s’était massée autour de Pontorson. Aujourd’hui, la fête ; demain les joutes données par le roi Louis XI à ses nouveaux chevaliers de Saint-Michel. Rennes, Dinan, Saint-Malo, Vitré, Fougère, Antrain, pour la Bretagne ; Avranches, Granville, Mortain, Villedieu, Coutances, pour la Normandie, avaient envoyé d’innombrables curieux. La bure dominait, mais il y avait aussi de la soie un peu d’ambre parmi beaucoup d’ail.

Paysans, bourgeois, soudards, mendiants, villageoises, citadines, enfants au maillot, jeunes couples, vieillards tremblotants, caniches dépaysés, bohémiens, pèlerins, baladins, tirelaines, badauds de tout âge, de tout sexe, de tout poil, se mêlaient avec ce furieux désir de voir, d’aller, de pousser, qui est l’assaisonnement de toute bonne fête. On buvait, on mangeait, on riait, on criait, on se battait, on s’embrassait. Quelques femmes et quelques petits enfants étaient étouffés çà et là ou écrasés. Eh bien, que voulez-vous ! on ne peut éviter cela. Faut-il renoncer à la navigation parce que l’Océan a des naufrages ? Plus tard on dit avec plaisir : « C’était beau il y eut du monde d’étouffé ! »

Une fête ou personne n’est écrasé ne date pas.

La rive normande était de beaucoup la plus riche en baraques et en spectacles. On y voyait de belles boutiques foraines toutes reluisantes de clinquant et de faïence mordorée. Un peu au-dessus du pont, toujours sur la rive normande, il y avait un château, si voisin de la ville qu’on lui laissait le nom d’hôtel.

C’était l’habitation des sires du Dayron, branche de Raguenel.

La terrasse du château, qui était vaste, dominait le pont et les deux rives. La dame du Dayron, jeune encore et magnifiquement dotée, avait ouvert les portes de sa demeure à tout ce qui portait un nom noble. La terrasse regorgeait de parures et d’armures.