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— La première couronne du monde a salué pourtant le cimier ducal de Charles de Bourgogne ! fit Jeannin en souriant.

— C’est vrai, cela ! dit vivement Olivier le Dain ou Pierre Gillot ; c’est vrai, trop vrai ! On m’avait assuré que tu étais un homme simple, ami Jeannin, et tu me réponds comme un clerc de chancellerie. C’est vrai, sur ma foi, oui ! Ce jour’là, la première couronne du monde voulut se montrer courtoise, mais d’un coup de sa tête, cornée de fer, le taureau de Bourgogne faillit briser la première couronne du monde. C’est assez d’une fois. Le roi se souvient.

— À cause de cela, reprit encore Jeannin, le roi veut amener à ses pieds, de gré ou de force, son cousin de Bretagne.

— Non pas à ses pieds, mon digne compagnon, répliqua Pierre Gillot avec attendrissement ; dans ses bras… dans ses bras ! – — Et l’on a choisi un pauvre homme de ma sorte ?

— On a choisi un soldat vaillant qui sera chevalier demain pour peu qu’il le veuille.

— Jeannin se leva, il ne répondit pas tout de suite.

Nous n’aurions pas réussi le moins du monde dans la peinture morale de ce brave homme, si le lecteur pouvait penser qu’en ce moment Jeannin fût fortement décidé à repousser l’offre de Pierre Gillot. Ce qu’on lui disait, Jeannin penchait à le croire. Pierre Gillot avait pris plus d’un renseignement sur sa personne. Il venait à lui presque à coup sûr.

Jeannin savait qu’une guerre entre la France et la Bretagne serait mortelle à ce dernier pays. C’était l’opinion de Tanneguy du Châtel et de tous les esprits sages. Jeannin savait qu’il y avait à la cour de François, un parti qui poussait à la guerre. Outre la considération qui lui était personnelle et qu’il avait certes bien gagnée, Jeannin était traité, pendant la minorité d’Aubry, comme le représentant d’une famille noble. Il n’ignorait rien des faits politiques.

Ëtait-ce une simple entrevue qu’on désirait ? Jeannin n’y voyait point de mal, au contraire.