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De fort jolies femmes, — les dames de Sainte-Amaranlhe, — avaient un salon à Paris, dans l’hôtel bâti par Helvétius. Elles habitèrent aussi Sucy-en-Brie. Chez elles, le royalisme se mêlait parfois au républicanisme, parce qu’on y jouait fort. Leurs mœurs étaient équivoques. Royalistes ou patriotes, orléanistes ou girondins s’y délectaient. On y voyait surtout le comédien Fleury, le chanteur Elleviou, dans leur salon qui était d’abord un lieu d’intrigues et de plaisirs. Ces dames laissaient les portraits du roi et de la reine sous les yeuK des joueurs. Mirabeau vint chez elles, de même que Sieyès, Pétion, Chapelier, Buzot, Louvet et Vergniaud. Le fils de M. de Sartines épousa la fille de madame de Sainte-Amaranthe. Bientôt on y put rencontrer Camille Desmoulins, deux fois. Félix Lepelletier de Saint-Fargeau fut un des habitués de leurs réceptions, notamment à Sucy ; mais il se montra plus rarement après l’assassinat de son frère. Plus tard, Proly, Hérault de Séchelles et Danton y parurent. Le dernier, selon Saint-Just, y fit un « souper conspirateur (1). » On a prétendu même que Robespierre alla un soir chez les dames de Sainte-Amaranthe, y soupa, s’enivra, et laissa échapper « de redoutables secrets ». La famille de Sainte-Amaranthe fut impUquée dans la conspiration du baron de Batz. Ces dames furent exécutées pour avoir participé à l’affaire des chemises rouges. La maison des dames de Sainte-Amaranthe passa pour être un foyer où l’on méditait le soulèvement des prisons, selon un rapport d’Élie Lacoste (2).

En 1793 et en 1794, les prisons renfermaient des sortes de clubs. On prétendit qu’il y avait des « conspirations de prisons », à la fin de la Terreur. Lorsque Danton et Camille Desmoulins furent arrêtés et conduits à la prison du Luxembourg, Lucile Desmoulins parvint à gagner un porte-clefs et à correspondre avec quelques accusés, rêvant de délivrer son mari. L’accusateur public, au tribunal révolutionnaire, lut devant les prévenus un rapport de police sur cette conspiration. Huit jours après l’exécution des Dantonistes, les prétendus conspirateurs, parmi lesquels Lucile Desmoulins, la veuve Hébert, Chaumette, l’évêque constitutionnel Gobel et le porte-clefs de la prison du Luxembourg, furent guillotinés. Le 24 juin 1794, Hermann adressa un rapport au Comité de salut public. « Tous les complices des anciennes conspirations de prisons vivent encore, disait-il ; il faut purger les prisons. »

(i) Rapport de Saint-Just, du 12 germinal an II. (2) Moniteur universel, numéro du 15 juin 1794.