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doit s’exercer que par l’usage même des talents et des lumières. C’est surtout contre la médiocrité intrigante que l’on doit avoir recours à l’ostracisme ; c’est contre ces hommes qui veulent être chefs de parti, parce qu’ils ne peuvent être chefs d’opinion, et gouverner par adresse ceux à qui ils ne peuvent commander au nom de la raison. Le despotisme du génie est toujours plus doux ; et les hommes de cette trempe, s’ils étaient quelques instants sensibles au plaisir de dominer, le sacrifieraient bientôt à celui de produire. « Enfin, une telle Société doit conserver le droit de discuter les lois, même lorsqu’elles ont reçu le sceau de la puissance publique, d’en faire sentir les défauts, d’en montrer les inconvénients Car ce sont les principes d’une Constitution libre qu’elle doit développer ou répandre, et non les lois d’une Constitution particulière. L’autorité en politique est le premier pas vers l’esclavage ; et. les hommes qui ne voudraient voir de liberté que dans les opinions adoptées par la législation qu’ils ont établie, ressembleraient à ces prêtres qui prétendent qu’on ne peut être honnête homme si on ne sacrifie pas dans leur temple.

« Tels sont. Messieurs, les principes qui ont dirigé la Société de 1789 dans son institution, dans ses règlements, dans sa conduite.

« Elle a cru devoir offrir l’entrée de ses séances aux députés de l’Assemblée nationale qui, n’étant pas établis à Paris, ne pouvaient appartenir à la Société comme membres ordinaires. Elle s’est proposé de discuter de préférence, dans ses assemblées, les objets qui devaient l’être dans celle des législateurs. C’était un moyen de rendre ses travaux d’une utilité plus présente, plus immédiate. Mais elle s’est bornée sagement aux questions générales qui tiennent essentiellement à la législation générale ; les réclamations particulières ont été soigneusement écartées (1). » Condorcet, partisan d’un gouvernement républicain, disciple de Diderot et de Voltaire, ami de Turgot, jugeait bien favorablement la Société de 1789. Comme lui, diverses feuilles suivaient avec intérêt son développement, et rendaient compte de son action sur l’opinion publique. Condorcet entraîna de son côté nombre de citoyens plus philosophes qu’hommes politiques, modérés, mais non réactionnaires.

(1) A Monsieur*", sur la Société de 1789. OEuvres de Condorcet. Edition A. Condorcet O’Connor et M. F. Arago, t. X, p. 67 et siiiv. F, Didot frères, iu-8", Paris, 1847.