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« Consacrée h la défense des principes d’une constitution libre, et à la perfection de l’art social, sans doute elle doit proscrire les opinions évidemment incompatibles avec sa liberté, comme avec Toxistence d’une Société bien ordonnée. Mais il faut que cette incompatibilité paraisse telle h la généralité des hommes éclairés. Car cette intolérance qui voit des scélérats ou des hommes corrompufi, des factieux ou des esclaves, dans ceux qui ne sont pas de notre avis, a toute la folie, tout le danger de l’intolérance religieuse et n’en a pas l’excuse, celle d’une illumination surnaturelle, qui donne du moins des droits à l’indulgence do la raison,

« Si la tolérance est nécessaire dans le sein d’une Société, la facilité pour admettre serait funeste, Il faut une forme d’admission qui puisse répondre de cette convenance dans la manière de penser, sans laquelle toute discussion dégénère en dispute. Cette disconvenance qui empêche les hommes de s’éclairer mutuellement, parce qu’elle les empêche de s’écouter, ne se borne point h une opposition de principes sur les objets ordinaires île la discussion ; mais elle s’étend jusqu’à une division prononcée sur d’autres objets, lorsque celte division a les caractères de l’esprit de secte. Supposons qu’en Allemagne les théologiens protestants eussent voulu établir des conférences dans l’intention de s’éclairer sur les moyens de réfuter les controversistes de la religion romaine ; ou que les prêtres français eussent eu le dessein de se concerter sur ceux de résoudre les difficultés que les protestants leur opposaient ; croit-on que, si le» uns avaient réuni dans la même chambre des luthériens et des sacramentaires, les autres des jansénistes et des molinistes, ils eussent immolé la haine qui les séparait à l’intérêt de la défense commune ?, . . « L’exagération des opinions est un autre danger dont toute Société doit soigneusement se préserver ; il est plus aisé d’exagérer l’opinion d’autrui que d’en avoir une h soi ; et quand, par ce moyen facile, on peut s’acquérir une réputation de patriotisme et de courage, beaucoup de gens sont tentés de l’employer. Une Société où un certain nombre de membres y auraient recours, ou par goût ou par l’impuissance d’en trouver de meilleur, au lieu de faire des progrès dans la route de la raison, finirait, au contraire, par s’en écarter à chaque instant.

« Dans une Société indépendante et libre, tous les membres doivent être égaux ; elle ne doit jamais reconnaître de chefs. Vouloir faire dominer ses opinions personnelles, c’est affecter la tyrannie dans une république. Les lumières, les talents doivent sans doute y obtenir ce pouvoir que la nature leur a donné ; mais ce pouvoir ne