Page:Œuvres politiques de Machiavel.djvu/603

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


APPENDICE


Nous avons eu occasion de citer dans notre Introduction le travail critique de M. J. Ferrari sur Machiavel. Nous croyons faire plaisir a nos lecteurs en mettant sous leurs yeux deux fragments extraits de cette belle étude. L’un se rattache à un point fort controversé, la Religion de Machiavel ; l’autre, entièrement neuf, est une application des théories du publiciste de Florence aux événements de l’histoire moderne.


LA RELIGION DE MACHIAVEL.


Quelques idées très-simples sur la destinée universelle des hommes et des choses dominent Machiavel tout entier. Il les expose rarement, mais il les suppose toujours. Contemporain de Pomponat, le secrétaire de Florence se trouve évidemment sous l’influence d’une sorte d’astrologisme qui supplante la théologie chrétienne et détruit Dieu lui-même. Son premier principe, c’est le mouvement des sphères ; il ne veut point s’élever au-dessus de ce principe visible et matériel. D’après lui, la marche des astres, le cours des saisons, le passage de la vie à la mort, tout est déterminé par l’évolution circulaire de l’univers. L’homme même lui est soumis : il se multiplie aveuglément, il envahit la terre ; et quand le monde regorge d’habitants, les sphères le dépeuplent par les pestes, les famines et les inondations, pour que l’humanité recommence son travail. Le mouvement universel se répète au sein des sociétés : les États s’organisent et se corrompent comme les individus ; tous les corps politiques passent de la monarchie à l’aristocratie, à la démocratie, pour revenir circulairement à la monarchie. Les sphères emportent tout, les hommes et les choses, sans que jamais l’on puisse deviner le but définitif de l’univers[1]. Au-dessous des sphères, il y a un nouveau principe entièrement secondaire dominé par les astres, et c’est ici que Machiavel trouve sa religion, ou plutôt une sorte de magie. Il croit que « tous les grands événements sont annoncés par des prophéties, par des révélations ou par des prodiges. » Suivant lui, l’invasion française de Charles VIII a été précédée par des armées aériennes.

  1. Discours sur Tite-Live, l. 1, 2. l. II, préf. et ch. 5.