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Sur le § 29.

79. L’espace n’est pas la place de toute chose, car il n’est pas la place de Dieu ; autrement voilà une chose d’éternelle à Dieu, et indépendante de lui, et même de laquelle il dépendrait s’il a besoin de place.

80. Je ne vois pas aussi comment on peut dire que l’espace est la place des idées ; car les idées sont dans l’entendement.

81. Il est fort étrange aussi de dire que l’âme de l’homme est l’âme des images. Les images qui sont l’entendement sont dans l’esprit ; mais s’il était l’âme des images, elles seraient hors de lui. Que si l’on entend des images corporelles, comment veut-on que notre esprit en soit l’âme, puisque ce ne sont que des impressions passagères dans les corps dont il est l’âme ?

82. Si Dieu sent ce qui se passe dans le monde, par le moyen d’un sensorium, il semble que les choses agissent sur lui, et qu’ainsi il est comme on conçoit l’âme du monde. On m’impute de répéter les objections, sans prendre connaissance des réponses ; mais je ne vois point qu’on ait satisfait à cette difficulté ; on ferait mieux de renoncer tout à fait à ce sensorium prétendu.

Sur le § 30.

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83. On parle comme si l’on n’entendait point comment, selon moi, l’âme est un principe présentatif, c’est-à-dire comme si l’on n’avait jamais ouï parler de mon harmonie préétablie.

84. Je ne demeure point d’accord des notions vulgaires, comme si les images des choses étaient transportées (conveyed) par les organes jusqu’à l’âme. Car il n’est point concevable par quelle ouverture ou par quelle voiture ce transport des images depuis l’organe jusque dans l’âme se peut faire. Cette notion de la philosophie vulgaire n’est point intelligible, comme les nouveaux cartésiens l’ont assez montré. L’on ne saurait expliquer comment la substance immatérielle est affectée par la matière : et soutenir une chose non intelligible là-dessus, c’est recourir à la notion scholastique chimérique de je ne sais quelles espèces intentionnelles inexplicables, qui passent des organes dans l’âme. Ces cartésiens ont vu la difficulté, mais ils ne l’ont point résolue : ils ont eu recours à un concours de Dieu tout particulier, qui serait miraculeux en effet ; mais je crois avoir donné la véritable solution de cette énigme.