Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/785

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

assigner de borner la nature dans le progrès de la subdivision ? Fictions purement arbitraires, et indignes de la vraie philosophie. Les raisons qu’on allègue pour le vide ne sont que des sophistes.


Quatrième réplique de M. Clarke.

1 et 2. La doctrine que l’on trouve ici conduit à la nécessité et à la fatalité, en supposant que les motifs ont le même rapport à la volonté d’un agent intelligent que les poids à une balance ; de sorte que quand deux choses sont absolument indifférentes, un agent intelligent ne peut choisir l’une ou l’autre, comme une balance ne peut se mouvoir lorsque les poids sont égaux des deux côtés. Mais voici en quoi consiste la différence. Une balance n’est pas un agent : elle est tout à fait passive, et les poids agissent sur elle ; de sorte que, quand les poids sont égaux, il n’y a rien qui la puisse mouvoir. Mais les êtres intelligents sont des agents ; ils ne sont point simplement passifs, et les motifs n’agissent pas sur eux, comme les poids agissent sur une balance. Ils ont des forces actives, et ils agissent quelquefois par de puissants motifs, quelquefois par des motifs faibles, et quelquefois lorsque les choses sont absolument indifférentes. Dans ce dernier cas, il peut y avoir de très bonnes raisons pour agir ; quoique deux ou plusieurs manières d’agir puissent être absolument indifférentes. Le savant auteur suppose toujours le contraire, comme un principe ; mais il n’en donne aucune preuve tirée de la nature des choses ou des perfections de Dieu.

3 et 4. Si le raisonnement que l’on trouve ici était bien fondé, il prouverait que Dieu n’a créé aucune matière, et même qu’il est impossible qu’il en puisse créer. Car les parties de matière, quelle qu’elle soit, qui sont parfaitement solides, sont aussi parfaitement semblables, pourvu qu’elles soient de figures et de dimensions égales ; ce que l’on peut toujours supposer comme une chose possible. Ces parties de matière pourraient donc occuper également bien un autre lieu que celui qu’elles occupent ; et par conséquent il était impossible, selon le raisonnement du savant auteur, que Dieu les plaçât où il les a actuellement placées ; parce qu’il aurait pu avec la même facilité les placer au rebours. Il est vrai qu’on ne saurait voir deux feuilles, ni peut-être deux gouttes d’eau, parfaitement semblables ; parce que ce sont des corps fort composés. Mais il n’en est pas ainsi des parties de la matière simple et solide. Et même,