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idée distincte de ces lignes, qui me donne moyen de venir à une exacte division ; mais comme nous n’avons point d’idée distincte de la pensée, et ne pouvons pas démontrer que la notion d’une substance indivisible est la même avec celle d’une substance qui pense, nous n’avons point de sujet de l’assurer. Je demeure d’accord que l’idée que nous avons de la pensée est claire, mais tout ce qui est clair n’est point distinct. Ce n’est que par le sentiment intérieur que nous connaissons la pensée (comme le P. Malebranche a déjà remarqué) ; mais on ne peut connaître par sentiment que les choses qu’on a expérimentées ; et comme nous n’avons pas expérimenté les fonctions des autres formes, il ne faut pas s’étonner que nous n’en avons pas d’idée claire ; car nous n’en devrions point avoir, quand même il serait accordé qu’il y a de ces formes, C’est un abus de vouloir employer les idées confuses, quelque claires qu’elles soient, à prouver que quelque chose ne peut être. Et quand je ne regarde que les idées distinctes, il me semble qu’on peut concevoir que les phénomènes divisibles ou de plusieurs êtres peuvent être exprimés ou représentés dans un seul être indivisible, et cela suffit pour concevoir une perception, sans qu’il soit nécessaire d’attacher la pensée ou la réflexion à cette représentation. Je souhaiterais de pouvoir expliquer les différences ou degrés des autres expressions immatérielles qui sont sans pensée, afin de distinguer les substances corporelles ou vivantes d’avec les animaux, autant qu’on les peut distinguer ; mais je n’ai pas assez inédite là-dessus, ni assez examiné la nature pour pouvoir juger des formes par la comparaison de leurs organes et opérations. M. Malpighi, fondé sur des analogies fort considérables de l’anatomie, a beaucoup de penchant à croire que les plantes peuvent être comprises sous le même genre avec les animaux, et sont des animaux imparfaits.

Il ne reste maintenant que de satisfaire aux inconvénients que vous avez allégués, Monsieur, contre l’indestructibilité des formes substantielles ; et je m’étonne d’abord que vous la trouvez étrange et insoutenable, car, suivant vos propres sentiments, tous ceux qui donnent aux bêtes une âme et du sentiment doivent soutenir cette indestructibilité. Ces inconvénients prétendus ne sont que des préjuges d’imagination qui peuvent arrêter le vulgaire, mais qui ne peuvent rien sur des esprits capables de méditation. Aussi crois-je qu’il sera aisé de vous satisfaire la-dessus. Ceux qui conçoivent qu’il y a quasi une infinité de petits animaux dans la moindre goutte d’eau,