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nouveaux essais sur l’entendement

organes et aux autres objets, et il est inutile ici d’employer l’imagination. Ainsi il paraît, par tout ce que vous m’avez dit encore ici, Monsieur, qu’on est ingénieux à se faire des difficultés sans sujet, en demandant plus qu’il ne faut.

Chap. XXX. — Des idées réelles et chimériques.

§ 1. Ph. Les idées par rapport aux choses sont réelles ou chimériques, complètes ou incomplètes, vraies ou fausses. Par idées réelles, j’entends celles qui ont du fondement dans la nature et qui sont conformes à un être réel, à l’existence des choses ou aux archétypes ; autrement elles sont fantastiques ou chimériques.

Th. Il y a un peu d’obscurité dans cette explication. L’idée peut avoir un fondement dans la nature, sans être conforme à ce fondement, comme lorsqu’on prétend que les sentiments que nous avons de la couleur et de la chaleur ne ressemblent à aucun original ou archétype. Une idée aussi sera réelle quand elle est possible quoique aucun être existant n’y réponde ; autrement, si tous les individus d’une espèce se perdaient, l’idée de l’espèce deviendrait chimérique.

§ 2. Ph. Les idées simples sont toutes réelles, car, quoique, selon plusieurs, la blancheur et la froideur ne soient non plus dans la neige que la douleur, cependant leurs idées sont en nous des effets des puissances attachées aux choses extérieures, et ces effets constants nous servent autant à distinguer les choses que si c’étaient des images exactes de ce qui existe dans les choses mêmes.

Th. J’ai examiné ce point ci-dessus : mais il paraît par là qu’on ne demande point toujours une conformité avec un archétype, et, suivant l’opinion (que je n’approuve pourtant pas) de ceux qui conçoivent que Dieu nous a assigné arbitrairement des idées, destinées à marquer les qualités des objets, sans qu’il y ait de la ressemblance ni même de rapport naturel, il y aurait aussi peu de conformité en cela de nos idées avec les archétypes qu’il y en a des mots dont en se sert par institution dans les langues avec les idées ou avec les choses mêmes.

§ 3. Ph. L’esprit est passif, à l’égard de ses idées simples, mais les combinaisons qu’il en fait pour former des idées composées, où plusieurs simples sont comprises sous un même nom, ont quelque