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des idées

en a souffert, qui est puni par le mépris et tourné en ridicule. On verra aussi généralement que les hommes méprisent non pas tant le vice que la faiblesse et le malheur. Ainsi la loi de la réputation aurait besoin d’être bien réformée, et aussi d’être mieux observée.

§ 19. Ph. Avant de quitter la considération des rapports, je remarquerai que nous avons généralement une notion aussi claire ou plus claire de la relation que de son fondement. Si je croyais que Sempronia a pris Titus de dessous un chou, comme on a accoutumé de dire-aux petits enfants, et qu’ensuite elle a eu Caius de la même manière, j’aurais une notion aussi claire de la relation de frère entre Titus et Caius, que si j’avais tout le savoir des sages-femmes.

Th. Cependant comme ou disait un jour a un enfant que son petit frère, qui venait de naître, avait été tiré d’un puits (réponse dont on se sert en Allemagne pour satisfaire la curiosité des enfants sur cet article), l’enfant répliqua qu’il s’étonnait qu’on ne le rejetait pas dans le même puits quand il criait tant et incommodait la mère. C’est que cette explication ne lui faisait point connaître aucune raison de l’amour que la mère témoignait pour l’enfant. On peut donc dire que ceux qui ne savent point le fondement des relations n’en ont que ce que j’appelle des pensées sourdes en partie et insuffisantes, quoique ces pensées puissent suffire à certains égards et en certaines occasions.

Chap. XXIX. — Des idées claires et obscures, distinctes et confuses.

§ 2. Ph. Venons maintenant à quelques différences des idées. Nos idées simples sont claires, lorsqu’elles sont telles que les objets mêmes, d’où on les reçoit, les représentent ou peuvent les représenter avec toutes les circonstances requises à une sensation ou perception bien ordonnée. Lorsque la mémoire les conserve de cette manière, ce sont en ce cas-là des idées claires, et autant qu’il leur manque de cette exactitude originale ou qu’elles ont perdu pour ainsi dire de leur première fraîcheur, et qu’elles sont comme ternies et flétries par le temps, autant sont-elles obscures. Les idées complexes sont claires quand les simples qui les composent sont claires, et que le nombre et l’ordre de ces idées simples est fixé.