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les paroles de sir Frédéric ; « méprisé et jugé indigne même d’échanger quelques mots avec elle… Soit ; rien du moins ne peut m’empêcher de veiller à sa sûreté. Je veux rester ici comme en sentinelle avancée, et tant qu’elle reposera sous mon toit, aucun danger ne la menacera, aucun danger que le bras d’un homme déterminé puisse détourner. »

Je fis venir Syddall dans la bibliothèque ; il y arriva suivi de l’éternel André, qui, ayant fait de beaux rêves de fortune pour lui-même depuis que j’avais pris possession du château et des terres qui en dépendaient, avait résolu que, s’il n’attrapait rien, ce ne serait pas faute de se mettre en évidence : cependant, comme il arrive souvent aux gens qui agissent par des motifs intéressés, il dépassait le but qu’il voulait atteindre et me fatiguait par ses importunités.

Sa présence m’empêcha de parler librement à Syddall comme je le désirais, et je n’osai le renvoyer, de crainte d’augmenter les soupçons qu’il avait pu concevoir de la manière brusque dont je l’avais déjà mis à la porte de la bibliothèque. « Je coucherai ici, » dis-je en leur faisant signe de rouler plus près du feu un lit de repos à l’ancienne mode. « J’ai beaucoup à travailler, et je me coucherai tard. »

Syddall, qui lut dans mes regards, offrit de m’apporter un matelas et des couvertures ; j’y consentis. Ayant allumé deux chandelles, je les renvoyai en donnant ordre qu’on ne me dérangeât pas le lendemain avant sept heures du matin.

Ils se retirèrent, et je me livrai tout entier à mes pénibles réflexions, jusqu’à ce qu’enfin la nature épuisée cédât au besoin du repos.

Je m’efforçai pourtant de détourner ma pensée du sujet sur lequel elle revenait sans cesse ; mais les sentiments que j’avais combattus avec courage quand j’étais éloigné de l’objet qui les faisait naître, reprenaient une nouvelle force maintenant que j’étais si près de lui et sur le point de m’en séparer à jamais. Si j’ouvrais un livre, le nom de Diana était écrit à chaque page, et quel que fût le sujet sur lequel je m’efforçasse de reporter mes pensées, son image était présente à mon imagination. C’était comme l’esclave attentive du Salomon de Prior :


Avant que j’eusse articulé son nom,
Abra s’offrait à ma présence ;
J’en appelais une autre, et toujours sans façon
Abra vers moi s’avance.