Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/455

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battu par la tempête, fait eau par une multitude de fentes presque imperceptibles, et coule à fond sans cause apparente de destruction.

Il est assez remarquable que mon père, après avoir rendu les derniers devoirs à son frère, parut désirer vivement que je me hâtasse d’entrer en possession des domaines de sa famille, suivant le droit que m’en donnait le testament, devenant ainsi le représentant de la maison de son père, chose qui jusque-là avait semblé avoir bien peu d’attraits pour lui. Mais il avait tant soit peu joué le rôle du renard de la fable en dédaignant ce qui était hors de sa portée ; et je ne doute pas d’ailleurs que son extrême ressentiment contre Rashleigh Osbaldistone, qui menaçait hautement d’attaquer le testament de son père, ne contribuât puissamment au désir qu’éprouvait le mien de le faire maintenir.

« J’ai, disait-il, été injustement déshérité par mon père ; le testament de mon frère a réparé, sinon en entier, du moins en partie, cette injustice, en laissant les débris de ses biens à Frank, l’héritier naturel ; et je suis résolu à ne rien ménager pour que ce legs ait son effet. »

Cependant Rashleigh n’était nullement un adversaire que l’on pût mépriser. Les révélations qu’il avait faites au gouvernement si à propos, son extrême adresse, son intelligence, et la manière artificieuse avec laquelle il avait su tirer parti des circonstances pour se donner un mérite de plus et acquérir de l’influence, lui avaient procuré des protecteurs dans le ministère. Nous étions déjà en procès avec lui au sujet de la soustraction faite à la maison Osbaldistone et Tresham, et, d’après le peu de progrès que nous avions faits dans une affaire si simple, il était à craindre que ce second procès ne se prolongeât au-delà de notre vie à tous.

Pour abréger ces délais autant que possible, mon père, d’après l’avis de son avocat, acheta en mon nom des créances considérables qui étaient hypothéquées sur le domaine d’Osbaldistone. Peut-être aussi l’occasion qui s’offrait à lui de disposer avantageusement d’une grande partie des gains immenses que la hausse rapide des fonds lui avait procurés lors de l’extinction de la rébellion, et l’expérience qu’il venait de faire des dangers du commerce, l’engagèrent-elles à réaliser de cette manière une portion considérable de sa fortune. Quoi qu’il en soit, il en résulta qu’au lieu de m’ordonner, comme je m’y attendais, de m’occuper désormais des affaires de la maison, car je lui avais déclaré que je