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Il avait touché là une corde qui résonnait mal aux oreilles de sa cousine. Elle se redressa avec fierté, et répondit avec un sourire plein d’amertume et de dédain :

« Oui, vous et vos pareils vous pouviez prétendre à une parenté entre nous, quand nous avions la lâcheté de consentir à vous servir comme de misérables esclaves dignes de vivre sous vos lois, quand nous nous abaissions à être vos fendeurs de bois, vos porteurs d’eau, à vous pourvoir de bestiaux pour vos banquets, à nous laisser opprimer par vos lois tyranniques. Mais maintenant nous sommes libres, libres par suite de l’acte même qui ne nous a laissé ni foyer, ni nourriture, ni vêtements, qui m’a privée de tout et dont le souvenir me fait frémir quand je pense que tous les moments de ma vie ne peuvent être consacrés à la vengeance ! Mais j’achèverai une journée si bien commencée, par une action qui brisera tous les liens qui peuvent exister entre les Mac-Gregor et les vils habitants des basses terres. Allan, Dougal, liez ces trois hommes ensemble par le cou et par les pieds, et précipitez-les dans le lac. Ils iront y chercher leurs parents montagnards ! »

Le bailli, alarmé de cet ordre, allait recommencer des remontrances qui probablement n’auraient fait qu’irriter les passions violentes de sa cousine, lorsque Dougal, se jetant devant lui, se mit à parler à sa maîtresse dans sa propre langue avec une abondance et une rapidité qui contrastaient étrangement avec la manière lente, imparfaite et presque stupide dont je l’avais entendu s’exprimer en anglais : à ce que je présumai par la vivacité de ses gestes, son plaidoyer était en notre faveur.

Sa maîtresse lui répondit, ou plutôt interrompit sa harangue, en s’écriant en anglais, comme si elle eût voulu nous donner un avant-goût du sort qu’elle nous préparait : « Vil chien ! fils d’un chien ! oses-tu bien discuter mes ordres ? Si je t’ordonnais de leur couper la langue et d’en faire un échange entre eux, pour voir celui des deux qui a la plus déliée ; si je t’ordonnais de leur arracher le cœur, afin de découvrir lequel renferme le plus de trahison contre les Mac-Gregor, ton devoir ne serait-il pas d’obéir ? Cela s’est fait au jour de la vengeance, quand nos pères avaient de grandes injures à punir.

— Sans doute, sans doute, » répliqua Dougal du ton de la plus profonde soumission, « votre volonté doit être faite, c’est une chose raisonnable. Mais si vous aimiez autant faire jeter dans le lac ce traître de capitaine avec le caporal Cramp et deux ou trois