Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Mon cher monsieur, » lui dis-je après avoir accepté son invitation et l’en avoir remercié, » comment avez-vous pu croire que j’avais pris le parti du théâtre ?

— Ma foi, dit M. Jarvie, c’est un grand faiseur de phrases qu’on appelle Fairservice, et qui est venu ce soir me prier de donner ordre au crieur de vous faire proclamer dans toute la ville au point du jour. Il m’apprit qui vous étiez, et que vous aviez été renvoyé de la maison de votre père parce que vous ne vouliez pas entrer dans le commerce, et pour que vous ne fissiez pas honte à votre famille en montant sur les planches. Un certain Hammorgaw, qui est un de nos chantres, l’a amené ici en me disant que c’était une de ses anciennes connaissances. Mais je les ai renvoyés en les menaçant de leur tirer les oreilles pour venir me faire une semblable demande à pareille heure. Je vois bien à présent que c’est un sot qui ne sait ce qu’il dit en parlant de vous. J’aime un garçon, continua-t-il, qui n’abandonne pas ses amis dans le malheur ; c’est ainsi que j’ai toujours agi moi-même, de même que mon père le digne diacre. Dieu le bénisse et lui fasse paix ! Mais vous ne devriez pas trop hanter ces montagnards ; c’est un mauvais bétail. On ne peut pas toucher à de la poix qu’il n’en reste aux mains, souvenez-vous de cela. Sans doute le meilleur de nous peut errer. Moi-même j’ai failli une, deux et trois fois cette nuit, mon garçon ; oui, depuis hier j’ai fait trois choses que mon père le diacre n’aurait pu croire, les eût-il vues de ses propres yeux. »

Nous étions en ce moment à la porte de sa maison. Il s’arrêta cependant un moment sur le seuil, et dit avec l’accent d’une profonde contrition : « Premièrement je me suis livré à des pensées d’affaires temporelles le jour du sabbat ; secondement, j’ai fourni caution à un Anglais ; et enfin, en troisième et dernier lieu, j’ai laissé échapper de prison un malfaiteur : mais la miséricorde de Dieu est grande[1], monsieur Osbaldistone. Mattie, je puis entrer tout seul ; accompagnez M. Osbaldistone chez Lucky Flyter, au détour de la rue. Monsieur Osbaldistone, ajouta-t-il à voix basse, je vous prie de ne pas vous permettre d’incivilité avec Mattie ; c’est la fille d’un honnête homme, et une petite-cousine du laird de Limnierfield. »

  1. There’s balm in Gilead, dit le texte ; il y a du baume à Galaad : phrase biblique. a. m.