Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/496

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La fatigue avait bruni les traits de Waverley : la discipline militaire avait donné de la gravité et de la dignité à sa contenance ; toute sa personne respirait la vigueur et la hardiesse, ce qui, en confirmant la narration du colonel, surprit et charma tous les habitants de Waverley-Honour. Ils se pressaient autour de lui pour le voir, l’entendre et chanter ses louanges. M. Pembroke, qui en secret admirait le courage qu’il avait montré en embrassant la bonne cause de l’église d’Angleterre, reprocha doucement à son élève d’avoir eu si peu de soin de ses manuscrits ; ce qui lui avait occasionné quelques désagréments ; car le baronnet ayant été arrêté par un messager du roi, lui, M. Pembroke, avait jugé prudent de se retirer dans une cachette appelée le Trou du Prêtre, à cause de son ancienne destination. Mais le sommelier ne lui portant de la nourriture qu’une fois par jour, il était réduit à dîner avec des mets absolument froids, ou, ce qui était pis encore, à moitié chauds, sans parler que quelquefois son lit n’avait pas été fait pendant deux jours. Waverley pensa involontairement au Patmos du baron de Bradwardine, qui se trouvait content de la cuisine de Jeannette, et de quelques poignées de paille étendues par terre dans la caverne. Mais il supprima toute remarque sur ce contraste, car elle n’eût servi qu’à humilier son précepteur.

Tout était en mouvement pour les préparatifs du mariage d’Édouard ; le vieux baron et miss Rachel l’attendaient avec autant d’impatience que s’il eût dû les rajeunir. Ce parti, d’après ce que le colonel Talbot leur avait dit, était on ne pouvait plus convenable, réunissant toutes les conditions, excepté celle de la fortune, sur laquelle il leur était facile de passer, étant assez riches par eux-mêmes. M. Clippurse fut donc mandé à Waverley-Honour sous de meilleurs auspices qu’au commencement de notre histoire. Mais M. Clippurse ne vint pas seul : car, se sentant vieux, il s’était associé un neveu, un jeune vautour, comme notre Juvénal anglais, à qui nous devons l’histoire de Swalow, aurait pu l’appeler[1], et tous deux continuaient les affaires sous le nom de MM. Clippurse et Hooken. Ces respectables gentlemen reçurent l’ordre de dresser les actes nécessaires pour la donation à cause de mariage la plus généreuse, comme si Édouard devait épouser une héritière qui lui apportât une pairie de son chef, avec l’espérance de la fortune de son père pour dorer la frange des trois hermines.

  1. Crable, poète rural, décédé en 1833. a. m.