Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/473

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vai fort mal disposée pour ce que je venais lui demander. Trois ou quatre gentilshommes écossais assistaient à son lever. Après m’avoir accueilli avec une extrême bienveillance : « Croiriez-vous, colonel Talbot, que j’avais ici tout à l’heure plus d’une demi-douzaine des plus respectables gentilshommes et des plus fidèles amis du gouvernement dans ce pays, le major Melville de Cairnwreckan, Rubrick de Duchran, et d’autres, qui m’ont arraché, à force d’importunités, ma protection pour le présent, et la promesse d’un pardon pour l’avenir, en faveur de cet imbécile, de ce vieux rebelle qu’ils appellent le baron de Bradwardine ? Ils allèguent que la noblesse de son caractère personnel, la clémence avec laquelle il a traité ceux de notre parti qui sont tombés dans les mains des rebelles, plaident pour lui ; ils ajoutent que la perte de ses domaines sera un châtiment assez sévère. Rubrick s’est chargé de le garder chez lui jusqu’à ce que les affaires soient arrangées dans le pays ; mais il est un peu dur d’être forcé de pardonner à un si mortel ennemi de la maison de Brunswick. » Ce n’était pas un moment favorable pour expliquer le but de mon voyage : néanmoins je dis que j’étais heureux de trouver Son Altesse Royale en train d’accueillir de telles requêtes, attendu que cela m’encourageait à lui en présenter une de la même nature en mon nom. Il laissa éclater sa mauvaise humeur, mais je me laissai pas effrayer. Je lui rappelai que je disposais de trois voix dans la chambre des communes, je parlai modestement de mes services sur le continent, services qui n’avaient de prix à mes yeux que parce que Son Altesse Royale avait daigné les accepter avec bonté ; je me prévalus fortement de ses protestations d’amitié, de ses offres de services. Il fut embarrassé, mais il ne se rendit pas. Je lui fis sentir alors combien il serait politique de détacher pour toujours l’héritier d’une fortune aussi considérable que celle de votre oncle, de la cause des rebelles ; je ne fis aucune impression. Je lui exposai les services que j’avais reçus de votre oncle et de vous personnellement, et je lui demandai, comme une récompense de ce que j’avais fait pour lui, qu’il me mît en état de témoigner ma reconnaissance ; je m’aperçus qu’il se disposait à me refuser encore. Tirant ma commission de ma poche, je lui dis (c’était ma dernière ressource) que Son Altesse Royale ne me jugeant pas digne, dans des circonstances si pressantes, d’une faveur qu’elle avait accordée à d’autres gentilshommes, dont j’osais dire que les services n’étaient pas plus importants que les