Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/421

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tent trop de respect pour devenir des sujets de querelles et de discorde. »

Il tira Fergus un peu à part, et lui parla avec une extrême insistance pendant deux ou trois minutes ; se rapprochant ensuite de Waverley, il lui dit : « Je crois avoir convaincu le colonel Mac-Ivor que son ressentiment était fondé sur un malentendu auquel j’avais donné lieu ; je suis certain que monsieur Waverley est trop généreux pour conserver aucun souvenir de ce qui vient de se passer, quand je lui certifie que cela est la vérité. Vous le ferez connaître à votre clan, Vich Jan-Vohr, pour empêcher de sa part de nouvelles violences. » Fergus s’inclina. « Et maintenant, messieurs, que j’aie le plaisir de vous voir vous donner la main… »

Ils s’approchèrent froidement, à pas mesurés, ne voulant ni l’un ni l’autre avoir l’air de faire les premières avances ; cependant ils se donnèrent la main, et partirent après avoir pris respectueusement congé du prince.

Charles Édouard[1] se porta alors sur le front des Mac-Ivor ; là, il mit pied à terre, demanda un verre d’eau-de-vie de la cantine du vieux Ballenkeiroch, et marcha environ un demi-mille avec eux, s’enquérant de l’histoire et des alliances de Sliochd Mac-Ivor, plaçant adroitement le peu de mots gaëliques qu’il savait, témoignant un grand désir de l’apprendre à fond. Il remonta ensuite à cheval, et galopa vers la cavalerie du baron, qui était à l’avant-garde ; il fit faire halte, il examina l’équipement des soldats, l’état de la discipline ; il adressa la parole aux principaux officiers, et même à plusieurs cadets ; il leur demanda des nouvelles de leurs femmes et fit l’éloge de leurs chevaux ; il fit route environ une heure avec le baron Bradwardine, et en supporta patiemment trois longues histoires sur le feld-maréchal duc de Berwick.

« Ah ! Beaujeu, mon cher ami, dit-il en reprenant la place

  1. On a reproché à l’auteur de Waverley d’avoir peint ce jeune aventurier sous des couleurs plus aimables qu’il ne le méritait ; mais l’auteur ayant connu plusieurs individus qui avaient été attachés de très près à sa personne, a tracé son portrait d’après ce que ces témoins oculaires lui avaient raconté du caractère et des qualités du Prétendant. Il faut sans doute attribuer quelque chose à l’exagération naturelle de ceux qui se le rappelaient comme le brave et aventureux prince au service duquel ils avaient affronté la mort ; mais leurs témoignages doivent-ils être étouffés par ceux d’un seul mécontent ?
    Si le prince Charles avait terminé sa vie immédiatement après sa fuite miraculeuse, sa réputation dans l’histoire eût été des plus éclatantes. Telle qu’elle est, cette réputation le place au nombre de ceux dont la vie n’a eu qu’une époque brillante, laquelle forme un contraste frappant avec tout ce qui précède et tout ce qui suit. a. m.