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lant ses doigts longs et nerveux, armés d’ongles qu’un vautour lui aurait enviés. « J’appliquerai mes dix commandements sur la face du premier coquin qui le touchera du bout du doigt. »

« Et la maison ! bonne femme, dit le même fermier : vous feriez mieux de soigner les enfants de ce brave homme que de nous menacer ici. »

« Ses enfants ! répliqua l’amazone en regardant son mari avec une effroyable grimace de dédain… Ses enfants !


Que n’es-tu mort, mari si bon ?
Que n’es-tu des pieds à la tête,
En un lit couvert de gazon !
Déjà, dans sa peine secrète,
Pour mieux consoler son malheur,
Ta veuve a fait une conquête ;
Un montagnard charme son cœur. »


Ce cantique entraînant, qui fit rire sous cape la jeunesse mêlée à l’auditoire, épuisa la patience du timide desservant de l’enclume. « Diable m’enlève si je ne lui fais pas avaler cette barre de fer rouge ! » s’écria-t-il dans un accès de fureur, en tirant la barre de la fournaise ; et il eût exécuté sa menace, si une partie de la foule ne l’eût arrêté, tandis que l’autre s’efforçait d’entraîner l’héroïne hors de sa présence.

Waverley songea à s’échapper dans la confusion, mais il n’apercevait plus son cheval. À la fin il découvrit à quelque distance son fidèle guide Ebenezer qui, voyant la tournure que les affaires allaient prendre, avait retiré les deux chevaux de la foule, et, monté sur l’un, tenant l’autre par la bride, répondit à Waverley qui lui criait à tue-tête d’amener son cheval : « Non, non ! Si vous n’êtes ami ni du roi, ni de l’Église, si on vous arrête comme suspect, vous avez un compte à régler avec les anciens pour manque de parole ; je garde donc le bidet et la valise comme dommages et intérêts, vu que mon cheval et moi nous perdrons la journée de demain, sans parler du sermon du soir. »

Édouard perdit patience : assailli, poussé dans tous les sens par la foule, s’attendant à chaque instant à des voies de fait, il avisa au moyen de les intimider, et saisissant enfin ses pistolets, il menaça de brûler la cervelle au premier qui oserait le toucher, et enjoignit à Ebenezer par un argument semblable de ne point reculer d’un pas avec les chevaux. Le sage Partridge dit qu’un homme avec un pistolet peut combattre cent ennemis désarmés, parce que s’il n’en a qu’un à tuer sur le nombre, chacun peut