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Comme le public paraissait devoir être ainsi privé du bienfait de ses élucubrations par l’égoïste lâcheté des vendeurs de livres, M. Pembroke prit le parti de copier ces énormes manuscrits pour l’usage de son élève ; il sentait qu’il avait été trop indulgent comme précepteur, et en outre sa conscience lui reprochait d’avoir, sur la demande de Richard Waverley, condescendu à ne point donner à Édouard des principes opposés à ceux de l’Église et du gouvernement actuel. — « Maintenant qu’il n’est plus sous ma direction, se disait-il à lui-même, je puis, sans manquer à ma promesse, fournir au jeune homme les moyens de juger sainement, et je n’ai qu’une chose à craindre, c’est qu’il me reproche de lui avoir caché si long-temps la lumière que cette lecture va jeter dans son esprit. » Tandis qu’il se livrait ainsi à ses rêveries d’auteur et de politique, son cher prosélyte, qui ne voyait rien de très-attrayant dans les titres des deux ouvrages, effrayé du volume et des lignes serrées des manuscrits, les plaça tranquillement dans un coin de son coffre de voyage.

L’adieu de la tante Rachel fut court mais affectueux ; elle recommanda seulement à son cher Édouard, qu’elle croyait susceptible de s’enflammer facilement, de se tenir en garde contre les attraits séducteurs des beautés d’Écosse. Elle lui dit qu’elle savait qu’il y avait dans le nord du royaume quelques anciennes familles, mais qu’elles étaient toutes whigs et presbytériennes, excepté les Highlandais[1], et elle ajouta qu’elle devait lui dire qu’elle ne croyait pas une grande délicatesse aux femmes de ce pays, parce qu’on lui avait assuré que les hommes portaient habituellement un costume très-singulier et même indécent. Elle termina ses adieux par une bénédiction tendre et touchante, et donna au jeune officier, pour qu’il se souvînt d’elle, une bague de diamants d’un grand prix (parure habituelle des hommes d’alors) et une bourse pleine de ces larges pièces d’or qui étaient plus communes il y a soixante ans qu’aujourd’hui.


CHAPITRE VII.

QUARTIER DE CAVALERIE EN ÉCOSSE.


Le lendemain matin, Édouard Waverley, agité par des senti-

  1. Le mot du texte est Highlander. Nous avons essayé de le franciser en changeant la terminaison ; comme on dit Hollandais, Islandais. a. m.