Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/364

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sortir quand il en fut empêché par mistress Dods, qui lui annonça qu’on le demandait, et introduisit dans sa chambre un jeune homme mis dans le dernier goût, portant un surtout militaire orné de broderies en soie et garni de fourrures, avec un bonnet militaire, costume aujourd’hui trop commun pour qu’on le remarque, mais qui alors n’était adopté que par les gens d’un ordre supérieur. L’étranger n’était ni bien ni mal, mais il y avait dans son extérieur une bonne dose de suffisance, et cet air d’aisance froide qui appartient au grand monde. De son côté il examina Tyrrel. Comme sa mine différait peut-être de ce qu’il s’était imaginé en le jugeant d’après l’auberge où il était descendu, l’étranger rabattit un peu de l’air fat qu’il avait pris en entrant, et s’annonça poliment pour le capitaine Jekill, servant dans les gardes de…

« Je présume que je parle à M. Martigny, dit-il. — À M. Francis Tyrrel, monsieur, » répliqua Tyrrel en se redressant… « Martigny était le nom de ma mère… Je ne l’ai jamais porté. — Je ne viens pas ici pour discuter ce point, monsieur Tyrrel, quoique je n’aie pas droit d’admettre comme certain un fait dont mon commettant pense pouvoir douter. — Votre commettant est, je présume, sir Bingo Binks ? Je n’ai pas oublié que nous avons une malheureuse affaire à débrouiller ensemble. — Je n’ai pas l’honneur de connaître sir Bingo Binks. Je viens de la part du comte Étherington. »

Tyrrel garda un instant le silence, puis il dit : « J’ignore, en vérité, ce que l’individu que vous nommez comte Étherington peut avoir à me dire par l’intermédiaire d’un messager tel que vous. J’aurais cru, ayant égard à notre malheureuse parenté, que des hommes de loi eussent été des négociateurs plus convenables entre nous. — Monsieur, dit le capitaine Jekill, vous vous méprenez sur le but de ma mission. Je ne viens pas vous apporter un message hostile de la part de lord Étherington. Je connais les liens qui vous unissent, et qui rendraient un pareil dessein non moins contraire aux lois de la nature qu’au sens commun… Je voudrais, s’il est possible, agir comme médiateur. »

Jusque-là ils étaient restés debout. M. Tyrrel offrit alors un siège à son hôte ; et, après en avoir pris un lui-même, il rompit le silence embarrassant qui s’ensuivit en ces termes : « Je serais heureux après avoir éprouvé une si longue suite d’injustices et de persécutions de la part de votre ami, d’apprendre aujourd’hui quelque chose qui put me faire mieux penser de lui ou de ses intentions, soit à mon égard, soit à l’égard des autres. — M. Tyrrel, il faut que vous me