Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/286

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pour l’amour de moi, éviter ces querelles où ceux qui vivent là-bas aux Eaux sont éternellement engagés ? Je n’y vais jamais sans entendre parler de quelque nouvelle dispute ; et je ne repose jamais ma tête pour dormir sans rêver que vous en êtes la victime. Hier au soir encore… — Allons donc, Clara, si vous commencez à me raconter vos rêves, nous n’aurons jamais fini. Le sommeil, sans doute, est la plus sérieuse occupation de votre vie… car pour la nourriture vous mangez à peine autant qu’un moineau ; mais je vous supplie de dormir sans rêver ou de garder vos visions pour vous. Que pouvez-vous craindre au monde ? Certainement vous ne craignez pas que cet imbécile de Binks ou quelqu’un de ces braves ose s’attaquer à moi ? — Non, John, répliqua sa sœur, ce n’est pas de telles gens que j’ai aucune crainte ; mais il y a des hommes dans le monde dont les qualités sont au dessus de ce qu’elles paraissent… dont la fierté et le courage demeurent cachés, comme les métaux dans la mine, sous un extérieur simple et ordinaire… Vous pouvez en rencontrer de tels… vous êtes vif et inconsidéré, et disposé à exercer votre esprit sans peser les conséquences, et… — Sur ma parole, Clara, vous êtes diablement en humeur de sermonner ce matin !… Le ministre lui-même ne serait ni plus logique ni plus profond. Mais, Clara, vous avez particulièrement en vue quelque personne quand vous me parlez ainsi. »

Clara ne put devenir plus pâle que son teint ne l’était d’ordinaire ; mais sa voix était toute tremblante quand elle s’empressa de protester qu’elle ne songeait en particulier à personne.

« Clara, lui répliqua son frère, si vous me recommandez de ne point me quereller avec quelqu’un, vous savez certainement que ce quelqu’un existe, et qu’il n’est pas éloigné de se quereller avec moi. Vous êtes étourdie et bizarre, mais vous avez assez de bon sens pour ne pas me tourmenter ni vous tourmenter vous-même sur un point d’honneur, sans avoir un motif réel pour cela. »

Clara protesta de nouveau avec chaleur : elle avait craint seulement que son frère ne vînt à s’engager dans les querelles ordinaires qui divisaient la société des Eaux. Mowbray écouta ses assurances avec un air de doute ou plutôt d’incrédulité. Enfin, il répliqua : « Que j’aie deviné juste ou non, ma chère Clara, il serait cruel de vous tourmenter davantage, vu ce que vous venez de faire pour moi. Mais rendez justice à votre frère et croyez-le : lorsque vous avez quelque demande à faire, un exposé franc de vos désirs vous réussirait beaucoup mieux que toute tentative pour l’influencer