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CHAPITRE V.

d’antiquités qui s’effacent de jour en jour. Je sais bien des événements modernes, bien des traditions anciennes, et je me demande :


Durant nos soirs brumeux ne pourrai-je fouiller
Dans le poudreux amas des contes de nos pères,
Oubliés en un coin de l’antique foyer,
Dont au jour de Noël on berçait nos grand’mères ?
Nul ne connaît le seuil de sa propre maison
Mieux que de nos vieux Scots je ne connais l’histoire,
De Brutus sur nos bords la première victoire,
La table ronde, Arthur, saint George et le dragon.


Nulle boutique n’est aussi facile à garnir que celle d’un antiquaire. Semblable à celle des brocanteurs du dernier ordre, une pacotille de vieilles ferrailles, un sac ou deux de gros clous, quelques boucles de souliers dépareillées, des pots cassés, des pelles et des pincettes hors de service suffisent pour cela. Pour peu qu’il ajoute quelques ballades à un sou, et quelques feuilles d’anciennes affiches, le voilà devenu un grand homme, un homme d’un commerce immense. Une fois à ce point, si, de même que le brocanteur désigné ci-dessus, il s’entend un peu en tours de main, il peut, en ramassant par ci, en dérobant par là, rendre l’intérieur de sa boutique beaucoup plus riche que l’extérieur, et se mettre dans le cas de montrer aux curieux des choses qui font que ceux qui ne connaissent pas le mode d’acquisition adopté par les antiquaires, se demandent comment diable il a pu se procurer tout cela.

On peut me faire observer que ces objets d’antiquité n’ont d’intérêt que pour un fort petit nombre de chalands, et que nous courons risque, avant qu’on nous ait demandé le prix de nos marchandises, de les crier jusqu’à ce que nous soyons devenus nous-mêmes aussi rouillés que les articles de notre commerce. Mais je ne fonde pas mes espérances sur cette seule ressource : je me propose d’avoir une boutique succursale pour le sentiment, les dialogues et dissertations ; boutique qui sera organisée de manière à captiver l’imagination de ceux qui n’ont aucun goût pour ce qu’on est convenu d’appeler la pure antiquité. Ce sera une espèce d’étalage d’herboriste-fruitier, érigé devant mes vieilles ferrailles, et dont les marchandises seront disposées de manière que le cresson, les choux, les poireaux et le pourpier puissent servir d’accompagnement et d’ornement aux souvenirs rouillés des anciens temps.