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— Je me lèverai de tout mon cœur, Robin, mon garçon ; mais ce sera pour te donner une poignée de main, et boire à l’oubli de toute animosité. Ce n’est pas chez toi un défaut de courage, si tu ne sais pas te servir de tes poings. »

Et en disant cela, il se tenait devant son antagoniste. Son regard ouvert et confiant contrastait étrangement avec les yeux sombres et sauvages du montagnard, dans lesquels brillait la vengeance.

« Ce n’est pas ta faute, te dis-je, si, n’ayant pas le bonheur d’être Anglais, tu ne sais pas plus te battre qu’une petite fille.

— Je sais me battre, » répondit Robin Oig d’une voix sombre, mais calme, « et vous allez le voir. Vous, Harry Wakefield, vous m’avez montré tantôt comment se battent les manants saxons, voyez maintenant comment se bat un dunniewassel[1] montagnard. »

Il ajouta la parole à l’action ; et tout à coup faisant briller son poignard, il le plongea dans la large poitrine du paysan anglais, avec une telle violence et une telle force, que la poignée rendit un son lugubre et prolongé sur la poitrine, et que la lame, à deux tranchants, pénétra jusqu’au cœur de la victime. Harry Wakefield tomba et expira, en ne poussant qu’un gémissement. Son assassin prit ensuite le bailli au collet, et lui mit le poignard sanglant sur la gorge, tandis que la surprise et l’effroi rendaient Fleecebumpkin incapable de défense.

« Il serait juste que je vous étendisse près de lui, dit-il, mais le sang d’un être méprisable ne se mêlera jamais sur le poignard de mon père avec le sang d’un brave homme. »

En parlant ainsi, il repoussa le bailli avec une telle force, qu’il le fit tomber sur le plancher, tandis que, de l’autre main, il jetait l’arme fatale au milieu du foyer ardent.

« Allons, s’écria-t-il, me prenne qui voudra, et que le feu efface le sang, s’il le peut. »

Le silence et l’étonnement continuaient d’absorber les spectateurs, quand Robin Oig demanda un officier de paix, et un constable étant arrivé, Robin se livra à lui.

« Vous avez fait cette nuit un beau travail, lui dit le constable.

— C’est votre faute, reprit le montagnard : si vous l’aviez empêché de me frapper il y a deux heures, il serait maintenant aussi alerte et aussi gai qu’il l’était il y a deux minutes.

— Vous aurez à en répondre d’une façon bien amère, reprit l’officier de paix.

  1. Gentilhomme. a. m.