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sayé de passer par force, il l’étendit sur le plancher aussi facilement qu’un enfant renverse une quille.

« Un cercle, un cercle[1] ! formons un cercle autour d’eux ! » fut le cri général : les poutres enfumées, et les jambons qui étaient suspendus, en frémirent, ainsi que la vaisselle étalée sur le buffet. « Bien, Harry ! bien ! frappez comme il faut ! Prenez garde à lui maintenant ; il voit son sang couler ! »

Tandis que ces cris se faisaient entendre, le montagnard se releva vivement. Toute sa prudence et son sang-froid avaient fait place alors à une rage frénétique. Il s’élança sur son antagoniste avec la fureur, l’activité et la soif de vengeance d’un tigre irrité. Mais que peut la rage contre la science et le sang-froid ? Robin Oig fut renversé de nouveau, et comme le coup fut nécessairement vigoureux, il resta sans mouvement sur le plancher. L’hôtesse accourut offrir son secours, mais M. Fleecebumpkin l’empêcha d’approcher.

« Laissez-le, il se relèvera à temps, et recommencera le combat ; il n’a pas encore gagné la moitié de sa part.

— Il a cependant gagné tout ce que je veux lui donner, reprit son adversaire, dont le cœur commençait à revenir vers son ancien camarade ; j’aimerais bien mieux vous en faire autant à vous-même, monsieur Fleecebumpkin, à vous qui prétendez vous y connaître. Robin n’a pas même eu l’art de se déshabiller avant de commencer le combat ; il a combattu avec son plaid. Relève-toi, Robin, mon garçon, soyons amis maintenant ; et que j’entende quelqu’un dire un seul mot contre toi ou contre ton pays ! »

Robin Oig était encore sous l’influence de la colère, et il aurait volontiers renouvelé le combat ; mais retenu d’un côté par la bonne dame Heskett, et, de l’autre, convaincu que Wakefield n’était plus disposé à jouer des mains, sa fureur fit place à un silence sombre et menaçant.

« Tiens, viens, ne prends pas cela tant à cœur, ami, » dit le brave Anglais avec l’humeur sans rancune de son pays ; « donne-moi la main, et soyons plus amis que jamais !

— Amis ! » s’écria Robin avec emphase, « amis ! jamais ! maintenant, Harry Wakefield, veille sur toi !

— Eh bien donc ! que la malédiction de Cromwell tombe sur ton orgueilleuse tête d’Écossais, répondit Harry ; fais ce que tu vou-

  1. A ring, a ring ! cri du peuple anglais pour entourer les boxeurs qui vont se mesurer en plein air. a. m.