Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 17, 1838.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

derrière les remparts, ou quand il est plastronné par devant, par derrière, et qu’il a le pot en tête. — Le pot ! s’écria le chevalier que voulez-vous dire par le pot ?… voulez-vous m’insulter au milieu de mes nobles convives, monsieur ?… Apprenez que j’ai fait mon devoir, comme un pauvre gentilhomme, sous le grand Henri IV, à Coutras et à Ivry, et, ventre-saint-gris ! nous n’avions ni pots ni marmites, car nous chargions toujours en chemise. — Ce qui réfute une autre calomnie abominable, » dit lord Dalgarno en riant, « qui aurait voulu faire croire que le linge était rare parmi les gentilshommes de l’armée française. — Je crois, en effet, qu’on leur voyait souvent les coudes, à ces gentilshommes[1], cria le capitaine du bout de la table ; avec la permission de Votre Seigneurie, je sais ce que c’était que ces mêmes gens d’armes. — Nous vous dispenserons de déployer vos connaissances pour le moment, capitaine, et nous épargnerons à votre modestie l’embarras de nous dire où vous les avez acquises, » répondit lord Dalgarno, d’un ton un peu dédaigneux.

« Je n’ai pas besoin d’en parler, milord, dit l’homme de guerre, tout le monde le sait, excepté peut-être les gens de comptoir, ces avares et lâches marchands de Londres, qui verraient un valeureux guerrier réduit par la faim à manger la poignée de son sabre, qu’ils ne sortiraient pas un liard de leurs longues bourses pour le secourir… Oh ! si une troupe de braves gens que je connais s’approchait un jour de ce nid de coucous !… — Un nid de coucous ! et cela en parlant de la ville de Londres, » dit un jeune homme qui était assis de l’autre côté de la table, et qui portait un habit magnifique et à la dernière mode, mais avec lequel il ne paraissait pas parfaitement à son aise… « voilà un propos que je n’entendrai pas répéter impunément. — Comment ! » dit le soldat en fronçant d’une manière terrible une paire de larges sourcils noirs, tandis qu’il portait une main à la poignée de son sabre, et relevait de l’autre son énorme moustache, « est-ce que vous voulez prendre fait et cause pour votre ville ? — Oui, de par Dieu ! reprit l’autre ; je suis un bourgeois de Londres, peu m’importe qu’on le sache ? et quiconque parlera de cette ville avec mépris est un âne et un sot fieffé : je lui briserai la tête pour lui enseigner à se conduire avec plus de bon sens et de politesse. »

  1. Gentlemen out at arms and elbows both, dit le texte, ce qui signifie littéralement : gentilshommes à manches et à coudes déchirés. L’interlocuteur répond ainsi au lord en jouant sur l’expression gentlemen at arms, qui veut dire les gens darmes ou cavaliers. Ce jeu de mots serait pour nous intraduisible. a. m.