Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/110

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passion excessive du chevalier pour les plaisirs de la chasse m’empêchait de me livrer à des études qui m’eussent été plus utiles ; mais je cessai bientôt de regretter les moments que la reconnaissance et une amitié héréditaire m’obligeaient de consacrer à ces occupations champêtres. La beauté parfaite d’Amy Robsart, qui croissait avec les années, ne pouvait échapper à celui que les circonstances obligeaient à rester constamment avec elle. Bref, je l’aimai et son père s’en aperçut.

— Et sans doute il traversa vos amours ? dit l’hôte ; c’est ce qui arrive toujours en pareil cas, et, par le gros soupir que vous venez de pousser, je juge qu’il a dû en être ainsi.

— Les choses se passèrent différemment, mon hôte ; mes prétentions furent hautement approuvées par le généreux sir Hugh Robsart ; ce fut sa fille qui se montra insensible à ma passion.

— C’était l’adversaire le plus dangereux que vous pussiez avoir. J’ai bien peur que vous n’ayez échoué.

— Elle m’accorda son estime et sembla ne pas me défendre d’espérer qu’elle se changerait en un plus tendre sentiment. Un contrat de mariage fut passé entre nous, à la sollicitation de son père ; mais Amy, par ses vives instances, obtint que l’exécution en fût remise à une année : ce fut dans cet intervalle de temps que Richard Varney parut dans le pays. Se prévalant d’une parenté éloignée avec sir Hugh Robsart, il passa d’abord une grande partie de ses loisirs dans sa compagnie, puis, avec le temps, il arriva à faire presque partie de la famille.

— Il n’aura pas porté bonheur à la maison qu’il a honorée de sa présence, dit Gosling.

— Il n’est que trop vrai, répondit Tressilian. Tant et de si étranges malheurs suivirent sa présence, qu’aujourd’hui même j’aurais peine à retracer l’affreuse progression avec laquelle ils s’appesantirent sur une famille jusqu’alors si heureuse. Pendant quelque temps, Amy reçut les attentions de ce Varney avec l’indifférence par laquelle on répond d’ordinaire à des politesses banales ; bientôt après elle sembla le voir avec déplaisir et même avec dégoût ; puis enfin il sembla s’établir entre eux des rapports d’une nature inexplicable. Varney quitta les airs de prétention et de galanterie qui avaient signalé ses premières démarches ; et Amy, de son côté, sembla renoncer à ce dégoût mal déguisé avec lequel elle l’avait d’abord accueilli. Ils paraissaient avoir entre eux plus de familiarité et d’abandon qu’il ne pouvait me convenir ; et je soupçonnai qu’ils