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leurs protecteurs furent chassés de l’abbaye par les troupes anglaises, qui dès lors parcoururent le pays, et forcèrent les habitants à montrer au moins une apparence de soumission. Le protecteur Sommerset forma un camp fortifié au milieu des ruines de l’ancien château de Roxburgh, et força les habitants des environs à se faire assurer par lui, suivant l’expression du temps, ce qui était une manière d’exiger un tribut. Il ne restait plus aucun moyen de résistance, et le petit nombre de barons qui s’irritaient même de l’apparence de la soumission n’eurent d’autre ressource que de s’enfoncer dans les retraites les plus sauvages du pays, abandonnant leurs maisons et leurs propriétés au courroux des Anglais ; ceux-ci envoyèrent de tous côtés des détachements pour ruiner, par des exactions militaires, tous les vassaux dont les chefs n’avaient point fait leur soumission. L’abbé de Sainte-Marie et ses religieux s’étant retirés au-delà du Forth[1], leurs possessions furent cruellement ravagées, parce qu’on savait que leur opinion particulière était contraire à une alliance avec l’Angleterre.

Parmi les troupes employées à cette sorte de pillage se trouvait un petit détachement commandé par le capitaine Stawarth Bolton : c’était un homme plein de cette bravoure franche et de cette générosité sans faste qui ont souvent distingué les soldats anglais. On aperçut une douzaine de cavaliers s’avançant dans le vallon ; ils avaient à leur tête un homme dont le manteau écarlate, la brillante armure et le panache flottant indiquaient suffisamment un chef. Alors Elspeth prit le seul parti qui pût la sauver encore : après s’être couverte d’un long voile de deuil, elle sortit par la grille de fer, tenant un de ses fils de chaque main, et s’avança vers l’Anglais. En peu de mots la veuve exposa sa triste position, plaça son humble demeure sous la protection du capitaine, puis elle ajouta : « Je me soumets, parce que je n’ai pas de moyens de résistance.

— C’est pour cela, madame, que je ne demande point voire soumission, répondit l’Anglais. Tout ce que je désire, c’est d’être assuré de vos intentions pacifiques ; d’après ce que vous me dites, je ne vois pas de motifs d’en douter.

— J’espère, monsieur, reprit Elspeth, que vous voudrez bien accepter une part de nos provisions ; vos chevaux sont fatigués, et vos gens ont besoin de se rafraîchir.

  1. Principale rivière d’Écosse. a. m.