Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps perdus de vue et fort altérés, mais non pas sortis de la mémoire. Le front du sous-prieur perdit par degrés la sévérité d’un juge ; l’air calme mais austère de Warden n’exprima plus de défi, et tous les deux oublièrent un instant la triste solennité de leur position. Ils avaient été, durant leur jeunesse, amis intimes dans une université étrangère, mais ils étaient séparés depuis de longues années ; et le changement de nom, que le prédicant avait adopté pour des motifs de sûreté, et le moine, selon la coutume de son couvent, les avait empêchés jusqu’à ce jour de se reconnaître dans ce grand drame de discussions politiques et religieuses. Mais dans ce moment, le sous-prieur s’écria : « Henri Wellwood ! » et le prédicant : « William Allan ! » Émus par ces noms autrefois si familiers, et par le souvenir des études et de l’amitié du collège, ils se pressèrent affectueusement la main.

« Qu’on lui ôte ses liens, » dit le sous-prieur ; et sur-le-champ il se mit à aider lui-même Christie dans cet office, malgré le refus du prisonnier, qui se réjouissait, répétait-il avec emphase, de souffrir l’infamie pour une si sainte cause. Néanmoins, lorsque ses mains furent libres, il se livra à l’impulsion de son cœur en échangeant avec le sous-prieur une poignée de main accompagnée d’un regard affectueux.

L’accueil fut généreux et franc des deux côtés ; cependant cette reconnaissance entre deux amis devint bientôt le salut de deux nobles adversaires qui font tout pour l’honneur et rien pour la haine. Comme chacun sentait l’importance de la position où il se trouvait, l’étreinte de leurs mains s’affaiblit, et ils les laissèrent tomber enfin en se jetant mutuellement des regards qui ne peignaient que le calme et la tristesse. Le sous-prieur fut le premier qui reprit la parole.

« Est-ce donc là que devaient aboutir cette activité dévorante qui brûlait votre âme, cette passion insatiable pour la vérité qui vous portait à la rechercher hardiment jusque dans ses limites les plus reculées ? Est-ce de cette manière que devait se terminer la carrière de Wellwood ? Après nous être connus et chéris durant les plus belles années de notre jeunesse, devions-nous à la fin de nos jours nous rencontrer l’un comme un juge, et l’autre comme un criminel ?

— Ni comme un juge ni comme un criminel, dit Henri à Warden (car, pour éviter la confusion, nous continuerons à l’appeler par le nom que nous lui avons donné d’abord). Ni comme un juge ni