Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/296

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— Quelle affaire le conduit ici ? dit le baron : apporte-t-il un message de Marie Avenel ?

— Je ne le pense pas, dit Christie ; ce jeune homme court le pays. La vie errante a toujours été de son goût, car je le connais depuis l’âge où il n’était pas plus haut que mon épée.

— A-t-il quelques talents, dit le baron ?

— Il en a de toutes sortes, répondit son compagnon : il peut abattre un daim, chasser un chevreuil, diriger l’essor d’un faucon, conduire une meute de chiens ; du plus loin possible il atteint un but de la largeur d’un cheveu ; il manie une lance et une épée presque aussi bien que moi-même ; il monte un cheval avec autant de hardiesse que de grâce. Je ne pense pas qu’il lui faille rien de plus pour en faire un brave compagnon.

— Et quel est ce vieil avare qui se tient près de lui ? reprit le baron.

— Quelque vieux prêtre, j’imagine ; il dit être chargé de lettres pour vous.

— Dis-leur d’approcher, » reprit le baron. À peine se furent-ils avancés que, frappé de la beauté et de la taille athlétique d’Halbert Glendinning, il lui parla ainsi : « On m’a dit, jeune gaillard, que vous courez le monde pour chercher fortune ; si vous voulez entrer au service de Julien Avenel vous la trouverez sans aller plus loin.

— Comme il vous plaira[1], répliqua Glendinning ; mais j’ai quelques motifs pour quitter ce pays, et je pars pour Édimbourg.

— Qu’est-ce à dire ? Je suis sûr que tu as tué quelque daim appartenant au roi, ou éclairci les prairies de Sainte-Marie d’une petite portion de leurs bestiaux, ou encore que tu as fait au clair de lune un saut par-dessus la frontière.

— Non, monsieur, répliqua Halbert, mon cas est tout à fait différent.

— Alors je parie que, dans une querelle à l’occasion d’une belle, tu auras transpercé quelque rustaud ; tu es un luron à ne pas rester en arrière pour venger une aussi juste cause. »

Indigné jusqu’au fond de l’âme de ce ton et de ces manières, Halbert Glendinning garda le silence pendant qu’une pensée agi-

  1. Formule normande qui est encore en vigueur chez les peuples de la Neustrie. On n’est point étonné de les entendre encore prononcer à tout moment dans leur réplique : « Comme il vous plaira. » a. m.