Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/293

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ornés, sa robe verte et brillante qui s’étendait sur le plancher, sa ceinture brodée en argent où s’accrochait une chaîne de même métal qui laissait pendre un trousseau de clefs, l’orgueil et l’ornement d’une maîtresse de maison, son couvre-chef de soie jaune (en écossais curch), posé avec grâce sur sa tête, et qui ne faisait que cacher une partie des boucles noires de son abondante chevelure ; tout, jusqu’à la circonstance si délicatement exprimée dans la vieille ballade : « que la ceinture était trop courte, et que la robe n’était plus assez large ; » tout enfin annonçait en elle l’épouse du baron. Mais le modeste siège sur lequel elle était assise, l’expression de profonde mélancolie peinte sur son visage, et qui se changeait en un timide sourire chaque fois que la moindre espérance lui était offerte de rencontrer un regard de Julien Avenel ; un œil abattu par la douleur, cette larme prête à s’en échapper qui succédait à son sourire contraint lorsqu’elle se voyait entièrement dédaignée ; ce n’étaient point là les attributs d’une épouse, ou bien c’était une épouse dans l’abandon.

Julien Avenel, comme nous l’avons déjà dit, continuait à se promener à grands pas dans la salle, sans laisser tomber sur elle un de ces regards muets que la tendresse ou la courtoisie donne aux femmes. Il paraissait totalement ignorer sa présence et celle de ses gens, et il ne sortait de sa sombre rêverie que lorsqu’il donnait ses soins à son faucon. La dame cependant semblait attendre et guetter le moment d’adresser la parole au baron, et chercher quelque chose d’énigmatique dans les expressions dont il faisait usage en parlant à l’oiseau.

Nos deux voyageurs eurent tout le temps de faire ces remarques ; car ils ne furent pas plus tôt entrés dans l’appartement que leur introducteur Christie de Clint-Hill, après avoir échangé un coup d’œil significatif d’un bout de la salle à l’autre avec les gardes et les vassaux, fit signe à Halbert Glendinning et à son compagnon de se tenir debout et silencieux près de la porte, tandis que lui s’avança jusqu’à la table et se plaça dans une situation propre à attirer les regards du baron, quand celui-ci serait disposé à jeter les yeux autour de lui, n’osant pas prendre sur lui de troubler son maître dans sa rêverie. L’œil de cet homme, naturellement hardi et effronté, n’était plus le même en présence de son maître ; il ressemblait à l’œil morne et abaissé d’un dogue mutin que son maître rebute, ou qu’un autre chien de son espèce, supérieur en force, oblige à se soumettre.