Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/171

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Ce fut en ce moment qu’Halbert sentit toute la terreur que jusqu’alors il avait eu le courage de réprimer. La nécessité même de tenter un effort lui avait donné la puissance de le faire, et la présence de l’être mystérieux, tout en étant un sujet de frayeur, lui donnait le sentiment d’une sorte de protection. Mais lorsqu’il put réfléchir de sang froid sur ce qui venait de se passer, un tremblement universel s’empara de son corps, ses cheveux se dressèrent sur sa tête et il craignit de regarder autour de lui, ne sachant s’il ne se présenterait pas à lui quelque chose de plus effrayant que la première vision. Un vent léger qui s’éleva en ce moment réalisa la bizarre, mais belle pensée de celui de nos poètes modernes dont l’imagination est la plus brillante[1].

Ce zéphyr caressant sa joue
Soulevait ses cheveux flottants,
Ainsi que l’on voit au printemps
La molle brise qui se joue
Sur l’herbe nouvelle des champs.
Ce souffle éveillait sa crainte,
Et lui semblait en même temps
Exhaler une douce plainte
Après l’orage de ses sens

Le jeune homme resta muet et saisi d’étonnement pendant quelques minutes. Il lui semblait que l’être extraordinaire qui lui était apparu, qui l’avait terrifié, qui l’avait protégé, était porté sur chaque souffle de vent et allait encore une fois se rendre visible. « Parle, » disait le jeune aventurier en agitant ses bras, « montre-toi de nouveau devant moi, inimitable vision. Trois fois j’ai joui de ta vue ; et cependant l’idée que tu es, même invisiblement, présente ici, à côté de moi, fait palpiter mon cœur avec plus de violence que si la terre s’entrouvrait et vomissait un démon. » Mais ni chant, ni apparition n’indiqua que la Dame Blanche fût auprès de lui, et il n’aperçut et n’entendit autour de lui rien de surnaturel. Cependant les efforts qu’Halbert avait faits pour inviter de nouveau l’être mystérieux à se présenter lui rendirent toute l’audace de son caractère. Il jeta encore une fois ses regards autour de lui, et reprit le sentier solitaire du vallon.

Rien ne pouvait offrir un contraste plus frappant que l’impétueuse colère qui l’avait entraîné à travers les buissons et les ro-

  1. Coleridge, un des poètes de l’école des lacs. a. m.