Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 11, 1838.djvu/457

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la paix et la joie au coucher du soleil. — Ce fut une jolie camisade, je n’en doute pas, Ranald Mac Eagh, une assez jolie attaque, et bien exécutée : néanmoins, j’aurais commencé le siège du château en établissant une batterie sur cette petite hauteur appelée Drumsnab. Votre expédition s’est faite à la manière des Scythes, c’était une guerre irrégulière, très-semblable à celles des Turcs, des Tartares et des autres peuples de l’Asie. Mais la raison, mon ami, la cause de cette guerre, teterrima causa[1], si je puis m’exprimer ainsi, dites-la-moi, Ranald. — Nous avions été poursuivis, dit Ranald, par les Mac-Aulay et d’autres tribus de l’ouest avec tant d’acharnement que nos retraites ne nous offraient plus de sécurité. — Ah, ah ! dit Dalgetty, je me rappelle en avoir entendu parler. N’aviez-vous pas mis du pain dans la bouche d’un homme mort ? — Vous avez donc entendu raconter la vengeance que nous tirâmes du hautain forestier ? — Certes, j’en ai entendu parler, et il n’y a pas long-temps encore. Ce fut une bonne plaisanterie de fourrer du pain dans la bouche d’un homme mort ; et cependant, outre que cela était un peu trop barbare, c’était perdre de bonnes provisions. Dans un siège ou un blocus, Ranald, un soldat vivant serait heureux d’avoir cette croûte de pain que vous fourriez dans la mâchoire d’un mort. — Nous fûmes attaqués par sir Duncan, continua Mac Eagh, et mon frère fut tué : sa tête blanchit sur les murailles que nous avions escaladées ; je fis le serment de le venger, et je n’y ai pas encore renoncé. — Cela est naturel, dit Dalgetty ; tout bon soldat avouera que la vengeance est agréable. Mais comment est-il possible que cette histoire intéresse sir Duncan en votre faveur ? elle ne pourrait tout au plus le porter qu’à intercéder auprès du marquis pour qu’on changeât votre genre de supplice, et qu’au lieu de vous pendre tout simplement, ou de vous rompre le corps sur la roue avec un contre de charrue, on vous mît à mort par la torture. Voilà ce qui passe mon intelligence. À votre place, Ranald, je voudrais ne pas me faire connaître de sir Duncan, garder mon secret, et mourir tranquillement par la strangulation, comme vos ancêtres l’ont fait avant vous. — Écoute, étranger, dit le Highlander : sir Duncan d’Ardenvohr avait quatre enfants. Trois sont morts sous nos dirks, mais le quatrième vit encore, et sir Duncan donnerait plus pour le balancer sur ces genoux, que pour torturer ces vieux os qui craignent peu les rigueurs de sa colère. Un seul

  1. La cause horrible. a. m.