Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/79

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moment de silence occasionné par son étonnement ; « le mauvais esprit de 1642 agit de nouveau avec autant de force que jamais, et chaque vieille folle, au coin de sa cheminée, discutera des matières de religion avec les docteurs en théologie et les saints Pères de l’Église ! — Si Votre Seigneurie veut parler ici des évêques et des curés, je vous assure que ce ne sont pas les Pères de l’Église écossaise ; et, puisqu’il plaît à Votre Seigneurie de nous menacer de nous renvoyer, il m’est permis de m’expliquer franchement sur un autre article. Votre Seigneurie et l’intendant ont désiré que mon fils Cuddie s’occupât dans la grange d’une nouvelle machine pour vanner le grain ; cette machine[1] semble s’opposer à la volonté de la divine Providence, en procurant, par un art humain, du vent pour l’usage particulier de Votre Seigneurie, au lieu de l’obtenir par des prières, ou d’attendre patiemment que la bonté de la Providence veuille l’envoyer sur l’aire de la montagne. Maintenant, milady… — Cette femme me ferait perdre la tête ! » s’écria lady Marguerite ; puis, reprenant son ton d’autorité et d’indifférence, elle dit : « Eh bien ! Mause, je finirai par où j’aurais dû commencer : vous en savez trop pour que nous disputions ensemble. Je n’ai qu’un mot à vous dire : ou Cuddie se rendra aux revues quand l’officier lui en donnera l’ordre, ou vous et lui quitterez mon service le plus tôt possible. Il n’est pas difficile de trouver de vieilles femmes et des laboureurs ; mais, si je n’en pouvais trouver, je préférerais que les terres de Tillietudlem ne fussent couvertes que de joncs, de bruyères et d’alouettes, plutôt que de les voir labourer par des rebelles au roi. — Hé bien, milady, dit Mause, je naquis dans ce lieu, et j’espérais mourir où mourut mon père. Votre Seigneurie a toujours été bonne, je ne puis le nier ; je ne cesserai jamais de prier pour vous et pour miss Édith. Dieu veuille que vous vous aperceviez que vous vous êtes égarée, que vous êtes dans la mauvaise voie ! mais encore… — La mauvaise voie ! » interrompit lady Marguerite avec colère, « la mauvaise voie, insolente ! — Oui, milady, nous sommes aveugles, nous qui vivons dans cette vallée de ténèbres, et les gens puissants tombent dans l’erreur aussi bien que nous ; mais, comme je dis, ma pauvre bénédiction restera avec vous et avec tous les vôtres. Je m’affligerai quand vous serez affligée, et me réjouirai lorsqu’on m’ap-

  1. Il est probablement ici question, dit l’auteur anglais, des machines employées par les femmes pour vanner le grain, qui cependant ne reçurent la forme qu’elles ont aujourd’hui que vers l’année 1730. L’usage en fut d’abord rejeté par les plus rigides sectaires écossais, d’après le motif que l’honnête Mause développe dans le texte.